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l’oncle césar. 795

ne parlait plus et semblait plongé dans un sommeil léthargique. Les domestiques commencèrent à dire des prières autour du lit ; César s’assit à l’écart avec M* Signoret, le front appuyé sur sa main et gardant un triste silence. Toute la soirée s’écoula ainsi. Il paraissait certain que le colonel s’éteindrait dans cette tranquille agonie ; pourtant, au bout de quelques heures, il s’agita tout à coup et avança les bras en jetant des plaintes sourdes, puis il retomba sur ses oreillers. — Ah ! grand Dieu !... il va passer !.., murmura César en frissonnant et en saisissant le bras de maître Signoret.

— Non, non, s’écria celui-ci, relevez-lui la tète,... donnez-lui de l’air... Faites-lui respirer du vinaigre,... ça le remettra... En effet le malade parut se ranimer. César se rapprocha, lai prit la main et lui dit doucement : — Mon cher oncle, je suis là... En ce moment, la pendule sonna. Le colonel rouvrit les yeux et dit d’une voix faible, mais distincte : — Quelle heure est-il ?

— Minuit, colonel, répondit le notaire ; comment vous trouvez-vous ?


Il ne répondit pas à cette question, et, tournant les yeux vers son neveu, il lui dit : — Nous sommes à samedi ;... va t’ habiller, Signoret t’accompagnera... Vous irez ensemble demander en mariage cette petite Emmeline... Va vite, le temps presse... Là-dessus, il fit encore signe qu’il fallait se hâter, et un quart d’heure après il mourut.

Son héritier eut une attitude très convenable après l’événement. Il vécut fort retiré et porta le deuil une année entière. Après le premier anniversaire, il reparut dans le monde, ou, pour mieux dire, il attira le monde chez lui. A l’exemple de son oncle et de ses grands-oncles, il eut une bonne maison, donna souvent à dîner, et lit des magnificences pour toutes les fêtes officielles. De plus, et comme pour suivre scrupuleusement ses traditions de famille, il installa chez lui un petit neveu de son nom dont le colonel n’avait pas même soupçonné l’existence. Dès lors il parut évident à tout le monde que César Fauberton ne se marierait pas, et il fut traité en conséquence : les mères de famille acceptèrent ses politesses avec circonspection ; les jeunes dames redoublèrent de coquetteries à son égard, et les grisettes, habituées à considérer tout célibataire comme une proie, bourdonnèrent plus que jamais autour de son élégante personne. Le petit Fauberton découvert par César était d’une autre branche de la famille, établie dans un autre pays. Le père de cet enfant, un pauvre employé des douanes, était mort depuis quelques années, laissant sa veuve presque dans l’indigence. Elle demeurait à la campagne et n’avait jamais eu l’idée de s’adresser à ses parens riches, qu’elle ne connaissait que de nom, et qui probablement n’avaient