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SCÈNES DE LA VIE DES LANDES.

lans. De nombreuses cavalcades arrivaient des quatre points cardinaux sur le plateau de Sainte-Quitterie. Moucadour n’avait pu loger toute cette cavalerie. On voyait attachés en plein air à des piquets des chevaux de toutes les races et de toutes les robes : le petit poney des Landes, ce diminutif du cheval arabe ; le cheval de la plaine de Tarbes, aux formes grêles et allongées ; le breton, trapu et paisible ; le normand à la physionomie busquée, tous habitués à de pareilles stations, et supportant paisiblement les morsures des mouches et les rayons ardens du soleil. À onze heures, le village était désert ; tout le monde était à la messe, qui se célébrait avec une pompe inaccoutumée. Moucadour, qui était chantre, se trouvait éclipsé ce jour-là par la musique allemande, qui avait été appelée par les commissaires de la course. Cette musique se composait d’une clarinette, de deux trombones et d’un cornet à piston. Le pharmacien d’une ville voisine, amateur effréné de musique, accompagnait les Allemands avec la grosse caisse, instrument qu’il se flattait de posséder aussi bien que personne en France. Il est inutile de dire que c’était sur cet instrument que se concentrait toute l’admiration du public.

La cérémonie manquait un peu de recueillement. Beaucoup de jeunes filles laissaient flotter leur chapelet, se poussaient du coude, chuchotaient et faisaient entendre des rires étouffés. La musique n’était pas l’unique cause de ces distractions : il y avait dans l’église (chose qui ne s’était jamais vue à Sainte-Quitterie) trois dames en chapeau, de vraies dames, qui étaient arrivées le matin même dans leur équipage. Hâtons-nous de dire que cet équipage consistait en un char couvert de toile blanche, et traîné par de beaux hagets aux cornes gigantesques. Le lion de la fête était sans contredit Angoulin, qui se tenait au banc d’œuvre. Il avait revêtu sa fameuse chenille ; il se tenait droit, impassible, sérieux, ne faisant pas attention que tous les regards allaient de lui à la Cicoulane, et de la Cicoulane à Frix.

Ce jour-là, Margaride semblait avoir oublié tous ses ennuis, et s’était parée de son mieux pour faire honneur à son galant. Ses cheveux, divisés en deux épais bandeaux, étaient presque entièrement découverts, et elle portait seulement sur le derrière de la tête un petit mouchoir en soie blanche, rayé de carreaux bleu clair et bordé d’une frange blanche ; elle exposait à l’envie de ses compagnes une paire de boucles d’oreille en turquoise et une robe en mérinos bleu. À côté d’elle, Marioutete, la tête chargée d’une bélitche de dentelle nouée sous le menton par un ruban d’un ponceau étincelant, égrenait son chapelet avec rage, et montrait Margaride à ses amies par des gestes d’épaules furieux. Frix était dans un coin de l’église, sérieux et recueilli. Après la messe, chaque habitant