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et durable, un chef, s’appuyant sans doute sur des conseillers et des ministres habiles, mais ne craignant pas la responsabilité, capable de la porter, et d’exercer à ses risques et périls l’autorité suprême. Le vain et irrésolu Conti n’était point ce chef ; il n’était de force ni à conduire ni à être conduit, et bientôt nous le verrons échapper à la main douce et ferme qui jusqu’alors l’avait dirigé.


III

Rendons justice à Marsin : après le départ de Condé, il déploya tour à tour les talens d’un ministre de la guerre et d’un général, dirigeant de Bordeaux l’ensemble des opérations dans toute l’étendue de la province, et de temps en temps allant prendre lui-même le commandement des troupes, et se montrant un digne élève de son glorieux maître par son activité et sa vigueur. Les romanesques détails du voyage audacieux de Condé et le bruit de la foudroyante défaite du maréchal d’Hocquincourt, accrus et grossis par des récits fabuleux, ranimèrent un moment toutes les espérances du parti des princes. De son côté, le comte d’Harcourt s’empara d’Agen et y établit le centre d’un gouvernement qui prit chaque jour plus de force. Tous les mécontens y trouvaient un asile assuré, et les membres du parlement de Bordeaux que persécuta la fronde y formèrent bientôt une sorte de parlement qui se proclama le vrai et légitime parlement de Guienne, à peu près comme le parlement de Pontoise avait fait échec à celui de Paris. Mais ce grand avantage avait été bien compensé par une sérieuse défaite que Montausier, gouverneur de l’Angoumois, essuya à Montançais, près de la petite rivière de l’Isle. Montausier avait espéré surprendre Balthazar, et il était venu fondre sur lui à la tête d’un corps assez considérable. Vainement d’Harcourt lui avait-il écrit de prendre bien garde de ne commettre aucune imprudence devant un homme de guerre expérimenté : il se précipita avec sa fougue accoutumée, croyant écraser aisément un ennemi plus faible, en nombre, il est vrai, mais qui était sur ses gardes, et qui le reçut avec une telle vigueur que l’épouvante se mit parmi les assaillans. Montausier, après avoir montré une grande valeur, assez grièvement blessé, dut quitter le champ de bataille ; on le transporta à grand’peine dans la ville d’Angoulême ; le bruit de sa mort se répandit, et cette petite victoire livra tout le Périgord au colonel Balthazar[1]. Pendant que cette affaire

  1. Balthazar, qui, en véritable officier de fortune, vante ses exploits pour les mettre à. plus haut prix, et se plaît à rabaisser ceux des autres, particulièrement ceux de son général Marsin, dont il est jaloux, donne un récit très détaillé du combat de Montançais ; Mémoires, p. 333-338. Voyez aussi la Défaite des troupes du comte d’Harcourt, que MM. de Montausier et Folleville commandoient, par celles de M. le Prince sous la conduite du sieur Balthazar, avec les noms des morts, blessés, prisonniers, in-4o huit pages.