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pour leurs exercices des cartouches et des capsules. Nous verrons si le parlement, dans sa prochaine session, laissera à ces curieux riflemen leur liberté native. C’est aujourd’hui même que le nouveau parlement a dû se réunir. Il s’ouvre sous des auspices plus favorables au ministère qu’on ne l’avait pensé. Lord Derby et M. Disraeli ayant gagné vingt-six voix aux élections, l’opposition n’aurait pu réparer ses pertes que par son union. Il paraît que des négociations avaient eu lieu pour cet objet entre lord John Russell et lord Palmerston, et qu’elles n’ont point abouti. On prétend qu’aucun de ces deux hommes d’état n’a voulu renoncer au premiership, à la première place, dans le ministère qu’ils pourraient être appelés à former. Nous penserions plutôt qu’ils n’ont pas pu se mettre d’accord sur la part qu’il faudrait faire aux radicaux pour réunir en un parti discipliné les trois cent cinquante libéraux de la chambre des communes. N’est-il pas probable aussi que, dans l’état actuel de l’Europe et devant une majorité parlementaire incertaine, lord John Russell et lord Palmerston ne se soucient point d’affronter tout de suite les responsabilités du pouvoir ? eugène forcade.


REVUE MUSICALE


Les théâtres lyriques de Paris ont produit en pleine lumière tout ce qu’ils tenaient en réserve de nouveautés intéressantes. Les grands événemens qui se préparent en Italie n’ont point diminué l’affluence des étrangers. L’Herculanum de M. Félicien David, le Faust de M. Gounod, et surtout le Pardon de Ploërmel de Meyerbeer, attirent à l’Opéra, au Théâtre-Lyrique et à l’Opéra-Comique un public aussi empressé de se distraire que si la guerre n’avait pas commencé au-delà des Alpes. Le Théâtre-Italien, lui, a fermé ses portes, et franchement ce n’est pas grand dommage pour les hommes de goût. La direction actuelle de ce théâtre qui faisait autrefois les délices d’un public choisi et délicat a résolu le problème difficile de le dégoûter presque des chefs-d’œuvre de Mozart, de Cimarosa et de Rossini par la manière fâcheuse dont on les interprète à la salle Ventadour. Après le massacre du Don Juan de Mozart, on nous a donné la caricature de l’Otello de Rossini, avec une Desdemone qui a excité la pitié de tout le monde, non pas à cause de ses malheurs domestiques, mais pour sa voix aigre, pointue et fausse. Les grimaces de Mme Castellan et de sa suivante n’ont pas empêché M. Tamberlick d’avoir de beaux élans dans le rôle d’Otello, et d’y être fort bien secondé par M. Corsi, qui a chanté avec talent la partie de Iago. M. Tamberlick a reparu ensuite dans le rôle de Manrico, du Trovatore de M. Verdi, avec moins d’éclat qu’on pouvait l’espérer. Dans l’air du troisième acte, M. Tamberlick a voulu per fas et nefas placer cette note culminante qui forme une des curiosités de son clavier un peu détraqué. Il y produit un déchirement de la phrase mélodique, effet violent et désagréable pour lequel nous ne lui voterons pas des actions de grâces. Après il Trovatore, on a donné Poliuto, opéra en trois actes du pauvre et regrettable Donizetti, qui certes n’avait pas les qualités voulues pour traiter un sujet qui rappelle le chef-d’œuvre