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principale cause de cette situation, c’est l’Italie ; avec ses autres populations, l’Autriche pourrait plus aisément s’entendre et former un grand corps que la liberté vivifierait : d’où il suit que, bien loin d’être un intérêt direct et essentiel pour la confédération germanique, la domination impériale en Italie devient au contraire un danger, en restant la plus forte raison d’être d’une politique qui arrête l’Allemagne dans son développement libéral aussi bien que dans ses tentatives d’organisation nationale.

Cette différence entre les intérêts allemands et les intérêts autrichiens, ce n’est pas seulement en France qu’on peut la remarquer, on la sent aussi au-delà du Rhin. Il paraissait récemment à Berlin une brochure qui a pour titre l’Agitation allemande et les droits de la couronne de Hapsbourg. L’auteur recherche justement dans quelle mesure l’Allemagne est intéressée au maintien de la puissance autrichienne. Il demande ce que l’Autriche a fait pour l’Allemagne. Il la montre s’enrichissant, s’accroissant sans profit pour la patrie commune, et quelquefois à ses dépens. Que pourrait faire aujourd’hui l’Autriche pour l’Allemagne ? « Elle présente, dit l’auteur, cent points vulnérables, et peu de ressources pour la défense, car toutes ses forces sont tendues vers un seul but, vaincre la résistance de ses provinces non allemandes. Il y a dix ans, la Hongrie combattait l’Autriche comme au temps de Rakoczi. Il y a douze ans, la noblesse de Galicie était massacrée par les paysans à l’instigation de la bureaucratie autrichienne. Depuis près d’un demi-siècle, l’Autriche règne en Italie, mais sans pouvoir gouverner le pays autrement que comme un territoire conquis de la veille, — et pour défendre les plus riches provinces de son empire, elle dépense plus d’argent et d’hommes que ces provinces ne peuvent lui en donner en dix ans… » Qu’on admette un instant que la confédération germanique vole au secours de la puissance impériale en Italie et aille au-devant d’une guerre avec la France : la question italienne peut un moment s’effacer, il est vrai ; mais alors d’autres complications naissent, de plus brûlantes questions s’élèvent par la simultanéité de la guerre sur le Pô et sur le Rhin, et tandis que l’Autriche est dégagée en Italie, c’est l’Allemagne qui porte le poids principal de la lutte. Allons plus loin : est-il bien certain qu’au jour où reluirait la paix, ces petits états qui s’agitent ne fussent pas les premières victimes, et que l’Autriche elle-même ne les livrât pas à la médiatisation pour sauver ses intérêts sur d’autres points ?

Comment donc cette agitation allemande est-elle née ? Bien des causes y ont contribué sans doute. L’inquiétude du patriotisme a été le généreux principe du mouvement, elle n’en est pas restée l’unique élément. Le cabinet impérial trouve d’étranges et disparates auxiliaires dans l’aristocratie du midi de l’Allemagne, qui a