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avec le respect des traités qui ont mis l’Autriche à Venise et à Milan. Il n’en est pas moins certain que lord Palmerston ne faisait que traduire vraisemblablement l’impression générale du peuple anglais quand il disait il y a quelques jours à ses électeurs : « Si la guerre restait concentrée en Italie et que l’agression de l’Autriche eût pour conséquence de faire repousser cette puissance au nord des Alpes et de laisser l’Italie libre aux Italiens, eh bien ! quels que fussent les regrets inspirés par les calamités au prix desquelles ce résultat aurait été obtenu, tous les cœurs généreux sentiraient que le bien peut quelquefois sortir du mal, et nous nous réjouirions de l’issue de la lutte… » D’autres sentimens viennent peut-être se mêler à ces dispositions sympathiques pour les tempérer ou les retenir. L’Angleterre a toujours une certaine défiance quand elle voit les armées françaises descendre en Italie, ne fût-ce que pour y passer, elle s’est montrée surtout agitée récemment de cette inquiétude dont on a vu les désastreux effets dans le monde commercial de Londres, celle d’un rapprochement, d’une alliance intime de la France et de la Russie, et elle ne remarque pas que, si elle se fût prononcée plus nettement, elle eût peut-être travaillé avec plus d’efficacité à rendre la paix possible d’abord, ou, en fin de compte, à maintenir intacte la grande alliance qui a fait la guerre d’Orient, et à dépouiller la lutte actuelle de quelques-uns de ses caractères les plus redoutables. Que l’Angleterre ait été absolument contente du rôle qu’elle a joué dans les diverses péripéties de cette crise, on ne saurait l’affirmer. Dans tous les cas, il est un fait qui ne semble pas douteux, c’est qu’il n’y aurait pas un ministre qui vînt proposer aujourd’hui au peuple anglais de prendre parti pour l’Autriche dans la lutte qui vient de s’ouvrir.

Quant à la Russie, qui, placée au nord de l’Europe, suit de loin les événemens, elle paraît jusqu’ici, dirait-on, vouloir jouer vis-à-vis de l’Autriche le rôle que cette dernière puissance joua vis-à-vis de l’empereur Nicolas pendant la guerre d’Orient. Son attitude est une de ces neutralités qui ne promettent pas d’être toujours neutres. Il est probable qu’une guerre qui enlèverait à l’Autriche ses possessions italiennes et qui ne dépasserait pas ces limites ne lui paraîtrait pas une raison suffisante de renouveler l’intervention de Hongrie en faveur des droits de la maison de Hapsbourg. Ce n’est point par des sympathies libérales que la Russie est attirée vers l’Italie, et cependant il y eut un temps, sous le premier empire, où cette indépendance italienne entrait dans les plans de réorganisation européenne. Après 1815 même, l’empereur Alexandre Ier n’était nullement défavorable au développement de l’esprit de réforme en Italie. Il patronnait ouvertement l’idée de faire de raisonnables concessions aux populations italienne. Il y eut un moment où entre la France