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dans la proposition autrichienne, et l’Europe sanctionnait cette idée d’un désarmement général simultané et préalable. Seulement, en demandant au cabinet de Turin de désarmer, on proposait d’appeler le Piémont et tous les autres états italiens à figurer au congrès dans les mêmes conditions où ils avaient assisté autrefois au congrès de Laybach. C’est là justement qu’allait échouer tout ce travail de négociation. L’Autriche avait l’air d’accepter cette proposition, qui venait d’elle, sauf l’admission des états italiens au congrès ; en réalité, elle cherchait une issue. En négociant avec l’Europe pour le désarmement général, elle se réservait un formidable tête-à-tête avec le Piémont, prétendant agir directement vis-à-vis de ce petit pays, — et tandis que les ministres anglais étaient encore occupés dans le parlement à vanter ses dispositions conciliantes et ses sentimens pacifiques, la cour de Vienne adressait au cabinet de Turin un ultimatum impérieux qui était une véritable déclaration de guerre. L’Autriche signifiait au Piémont d’avoir à désarmer dans trois jours, ou que la force serait employée contre lui. Or le défi ne s’adressait pas seulement au Piémont désormais, il allait aussi droit à la France, dont la résolution ne pouvait plus être douteuse en face d’une agression.

Un dernier effort était-il encore possible ? L’Angleterre le tentait, on le sait. Sans tenir compte du congrès, tué avant de naître par l’ultimatum autrichien, elle proposait de ramener les négociations au point où les avait laissées la mission de lord Cowley, et de se constituer médiatrice unique dans les affaires d’Italie. La proposition anglaise venait trop tard, et elle avait un inconvénient frappant. Nous ne dirons pas qu’elle faisait de l’Angleterre l’arbitre unique d’une des plus grandes situations qui se soient vues depuis un demi-siècle ; mais elle retirait une question d’un intérêt universel à la juridiction de l’Europe pour la livrer à la décision d’une seule puissance. L’Autriche elle-même ne pouvait se méprendre sur le succès possible de cette combinaison. Elle acceptait pour la forme la proposition anglaise, mais ne continuait pas moins sa marche agressive contre le Piémont. C’est un point à noter effectivement. Le 28 avril, à une heure de l’après-midi, le corps diplomatique à Vienne savait que l’ordre de franchir le Tessin venait d’être envoyé à l’armée autrichienne, et ce n’est que le soir du même jour que la réponse de la France était communiquée à l’Angleterre. Ainsi l’ordre d’ouvrir la guerre avait précédé la décision de la France au sujet de la tentative extrême de l’Angleterre.

Qu’on observe un instant tous ces faits dans leur suite et dans leur génération : quelle qu’ait été la pensée de la France sur les affaires d’Italie, il est évident que c’est l’Autriche surtout qui a pris