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n’étaient pas d’un grand prix, et la monture en avait été à la mode quelque trente ans plus tôt dans les provinces de Lodi et de Pavie. C’était un collier en perles fines, composé de plusieurs rangs de très petites perles rassemblées d’espace en espace par une agrafe en émeraude entourée de brillans; un peigne à retenir les cheveux, formant un petit diadème en perles et diamans; une montre en or émaillé, ronde comme une boule, et suspendue à une chaîne vénitienne de même métal, si fine qu’elle pouvait rivaliser avec un cheveu; une broche qui avait contenu le portrait de M. Stella lors de son mariage, et que Mme Stella remplaça par le sien propre, fait à la même époque ; quelques bagues d’assez mauvais goût; enfin une paire de boucles en stras qui faisaient partie de l’héritage du missée, et que sa veuve destinait à son fils Paolo.

Il ne s’agissait plus que d’obtenir un passeport pour Rachel. Ces préparatifs, qui avaient pour la jeune fille une signification désolante, qui lui parlaient sans cesse de séparation éternelle, d’isolement infini, avaient rempli toute la semaine. La malle immense, recouverte d’une peau fauve, qui gisait toute grande ouverte au milieu de sa chambre, et que Mme Stella s’acharnait à remplir de tous les objets dont elle avait éprouvé l’utilité dans le cours de sa paisible existence, c’était la malle qui avait jadis apporté et rapporté de la ferme à Melegnano et de Melegnano à la ferme le léger bagage de l’heureuse pensionnaire. Que de souvenirs, que de regrets elle éveilla! Le voyage de Rachel préoccupait toutes les imaginations féminines de la ferme; il revenait sans cesse sur toutes les lèvres, et la pauvre enfant, qui eût donné tout au monde pour échapper à cette pensée, y était ramenée par des questions incessantes. Pietro ne lui adressait plus la parole que comme à une sœur, et quoiqu’il n’essayât pas de dissimuler le chagrin que lui causait son prochain départ, rien dans ce chagrin ne trahissait une aflection plus que fraternelle. Plus d’une fois, lorsque Rachel était seule, elle se sentit tentée de lui tout avouer et de le supplier de la garder à la ferme, ne fût-ce que comme la dernière de ses servantes; mais dès que Pietro paraissait, elle perdait tout courage. L’aimait-il encore? Elle-même, que pouvait-elle lui dire?... Non, il fallait boire l’amer calice jusqu’à la lie. Encore quelques jours de courage, et tout serait fini.

La pauvre enfant était soutenue par l’énergie factice de la fièvre qui circulait dans ses veines, triste effet de l’insomnie et de l’agitation douloureuse dans laquelle elle vivait. Pietro venait de remettre à Rachel tous les papiers qui assuraient sa situation et celle de Paolo; il allait lui adresser quelques mots d’affection et quelques conseils de prudence, lorsque la lettre de Paolo lui fut apportée. Il l’ouvrit en présence de Rachel, la lut d’un air à la fois grave et agité;