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alors en France ; Varennes de Fenille, du département de l’Ain, auteur d’un travail sur l’assainissement de la Dombes qu’on peut lire avec fruit même aujourd’hui ; Chaptal, qui n’était encore que professeur de chimie à Montpellier ; le fameux abbé Grégoire, alors simple curé d’Embermesnil en Lorraine ; Bourgeois, l’habile et courageux régisseur de Rambouillet, qui a eu l’honneur de sauver le précieux troupeau de la destruction révolutionnaire ; Lacuée de Cessac, à Agen ; le baron de Lapeyrouse, à Toulouse ; Cliquot de Blervache, à Reims ; le marquis de Langeron, le marquis d’Hargicourt ; Yvart, fermier de l’archevêque de Paris, à Maisons-Alfort, un des lauréats de la société.

Indépendamment de ses correspondans régnicoles, la Société d’Agriculture avait établi des relations actives avec les colonies et les pays étrangers. Le recueil de ses Mémoires est rempli d’une foule d’études sur les questions coloniales. Cette partie de ses travaux égale presque la partie consacrée à la France elle-même : c’est qu’en effet l’intérêt colonial était alors pour nous du premier ordre. Nous avions malheureusement perdu l’Inde et le Canada, conquis par les Anglais ; mais nous avions conservé d’admirables possessions que la révolution nous a fait perdre. Au premier rang se plaçait Saint-Domingue, la plus belle colonie du monde en ce temps-là ; la richesse extraordinaire de cette île était assez récente, elle avait commencé à prendre ces magnifiques proportions au moment où la France elle-même sortait de son engourdissement, c’est-à-dire vers le milieu du siècle. Parmi les associés et correspondans étrangers, il faut citer d’abord Arthur Young et Washington, deux noms qui en valent d’autres. On peut y ajouter l’infant don Ferdinand, duc de Parme ; le chevalier Banks, président de la Société royale de Londres ; le Saxon Schubart, nommé par l’empereur d’Allemagne chevalier du champ de trèfle y pour avoir popularisé dans son pays cette plante féconde ; l’abbé Balsamo, professeur d’agriculture à Palerme ; le célèbre agronome anglais sir John Sinclair, etc. La même ardeur qui s’était déclarée en France pour l’agriculture se manifestait en même temps dans toute l’Europe, et a porté sur quelques points, notamment en Angleterre, encore plus de fruits que chez nous.

Arthur Young raconte qu’il assista le 12 juin 1789 à une séance particulière de la société en sa qualité de correspondant. Parmentier présidait. L’abbé Raynal, le grand déclamateur de l’Histoire des deux Indes, avait offert à la société 1,200 livres pour ouvrir un concours, en lui laissant le choix du sujet. On consulta Arthur Young : il proposa l’introduction des turneps, on lui répondit qu’on avait déjà fait inutilement de grands efforts pour propager en France cette