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œuvre, mais qui n’a jamais cessé de marcher de conquête en conquête, au grand profit de l’agriculture et de l’approvisionnement national. À défaut de Louis XV, qui n’aimait et n’encourageait personne, le roi de Suède Gustave III et le roi de Pologne Stanislas avaient distingué Dupont de Nemours ; le dernier l’avait appelé auprès de lui comme secrétaire-général du conseil de l’instruction publique. Quand Louis XVI devint roi et Turgot ministre, Dupont accourut aussitôt auprès de son ami et l’aida de tous ses efforts dans ce court ministère qui a laissé de si impérissables souvenirs. Quand Louis XVI disait amèrement : Il n’y a que M. Turgot et moi qui aimions le peuple, il aurait pu, pour être tout à fait juste, nommer avec le ministre son collaborateur. Turgot tombé, Dupont fut exilé dans sa terre du Gâtinais, où il se livra uniquement à la culture jusqu’au moment où il fut chargé par M. de Vergennes de négocier en Angleterre le traité de 1786. Élu à l’assemblée constituante, il la présida plusieurs fois tant qu’elle resta fidèle aux principes de la véritable liberté. Il vota pour les deux chambres et pour le veto suspensif, et se distingua surtout par une attaque hardie contre la création des assignats, qui lui valut les dénonciations publiques de Barnave et de Mirabeau. Jeté en prison pendant la terreur, le 9 thermidor le sauva ; membre du conseil des anciens, il fut compris dans le coup d’état du 18 fructidor, et obligé de s’exiler en Amérique, où il se fit planteur. De retour en France, il fit partie du gouvernement provisoire qui prépara l’avènement de la monarchie constitutionnelle en 1814 ; mais après le retour de l’île d’Elbe il repartit pour les États-Unis, et ne revint plus, ne voulant pas, disait-il, passer en un jour d’une main à l’autre comme une courtisane. Il y est mort en 1817, entouré du respect universel.

L’école vétérinaire d’Alfort avait été fondée peu de temps après la Société d’Agriculture, et sous la même inspiration[1]. On y avait joint une ferme expérimentale. Quand Arthur Young la visita en 1787, il y trouva cent élèves venus de toutes les parties de la France et de l’Europe, l’Angleterre exceptée, ce qu’il regrette en termes assez vifs. Il prend sa revanche avec la ferme, « placée, dit-il, sous la direction d’un savant naturaliste illustre dans toute l’Europe, mais très mauvais fermier. » Ce naturaliste célèbre, qui devait être en effet un assez mauvais cultivateur, mais qui n’en a pas moins rendu de grands services à l’agriculture, n’était autre que Daubenton, l’ami et le collaborateur de Buffon. La société comptait au nombre de ses membres, outre Daubenton, le directeur-général

  1. Le haras de Pompadour a été également créé en 1763 ; celui du Pin est un peu plus ancien.