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les intentions pathétiques qu’exprime, à travers une certaine exagération dans le style, la Mort de Juliette, peinte par M. Leighton. Il serait à coup sûr très injuste de dénier à M. Knaus, le peintre de la Cinquantaine, beaucoup d’esprit et de finesse, — à M. van Muyden, auteur, entre autres jolis tableaux, d’une École de petits enfans à Albano, beaucoup de grâce dans le sentiment et dans la pratique, — à M. Heilbuth enfin un goût ingénieux de composition et une habileté véritable à restituer la physionomie pittoresque d’un personnage ou d’une époque. Néanmoins les qualités qui distinguent ces divers ouvrages n’ont pas un caractère national si décidé, elles ne diffèrent pas si bien des qualités propres à l’école française, qu’il ne soit permis de confondre presque avec les artistes de notre pays les peintres nés au-delà de nos frontières : j’entends ceux dont les tableaux figurent au Salon, et qui d’ailleurs sont venus pour la plupart compléter leurs études en France. Par l’influence qu’elle exerce, par le nombre et l’activité des talens qu’elle compte, notre école représente en quelque sorte l’art contemporain tout entier ; elle a du moins plus d’importance qu’aucune autre. Reste à savoir jusqu’à quel point il y a lieu de se féliciter de cette importance relative, et quelles garanties elle offre pour l’avenir. Un coup d’œil sur les œuvres de la sculpture achèvera de nous préparer à l’examen de cette question.

Ce qui apparaît d’abord lorsqu’on examine l’ensemble des sculptures exposées au Salon, c’est une expression générale d’abnégation, une sorte de convention tacite de répudier toute originalité personnelle pour rechercher des moyens de succès dans l’imitation d’autrui. Il semble que les statuaires contemporains aient pris à la lettre le mot de La Harpe, « imaginer, c’est se souvenir, » et qu’au lieu de s’inspirer des exemples légués par les maîtres, ils se soient imposé le devoir d’en copier simplement les formes. Les souvenirs varient, il est vrai, suivant les inclinations ou les calculs de chacun. Tandis que M. Clésinger reproduit le style de Coysevox dans sa Zingara, et même dans un sujet antique, Sapho terminant son dernier chant, M. Franceschi s’efforce de simuler la puissance de Michel-Ange, et de donner à son Andromède les formes admirablement extravagantes, la majesté sauvage des figures sculptées sur les tombeaux des Médicis à Florence. M. Becquet agite les lignes de son Saint Sébastien, et en accuse le modelé, non sans vigueur, mais avec une préoccupation évidente de la manière de Puget. Jean Goujon et Germain Pilon sont au contraire les modèles dont M. Prouha prétend s’assimiler la manière dans Médée égorgeant ses enfans, dans la Muse de l’inspiration et dans une Diane au repos, — Diane de Poitiers apparemment. D’autres artistes contrefont les