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de portrait que la façon dont il traite le paysage est contraire aux recettes d’atelier et aux procédés de convention.

Dans la peinture de portrait, notre école toutefois est-elle si bien déshéritée de sa vieille gloire qu’elle ne compte plus aujourd’hui que des talens factices ou des œuvres secondaires ? Il n’en est pas ainsi, grâce à Dieu. Sans parler de quelques morceaux dus au pinceau de M. Ingres et plus récemment au pinceau de M. Delaroche, les beaux portraits peints par M. Hippolyte Flandrin suffiraient pour conserver de nos jours à l’école française son importance dans un genre où elle a de tout temps excellé. D’autres artistes, issus d’ailleurs de l’atelier du même maître, ont produit dans cet ordre de peinture des ouvrages très distingués ; mais la manière de M. Flandrin a cela de particulier et de vraiment supérieur qu’elle est à la fois sincère et savante, très ample dans l’intelligence des vérités d’ensemble, très fine dans la perception des vérités et des caractères de détail. Les portraits exposés au Salon par M. Flandrin, et surtout celui d’une jeune fille à la carnation un peu brune, attestent une fois de plus cette habileté sans ostentation, ce mélange de largeur et de précision dans le style que nous avaient révélés déjà, mais avec moins d’éclat peut-être, les travaux précédens de l’artiste. En tout cas, si ces nouveaux portraits n’ajoutent rien à une réputation dès longtemps établie, ils la justifient et la confirment ; ils maintiennent l’autorité du talent de M. Flandrin dans un genre de peinture que personne, M. Ingres excepté, ne serait en mesure de traiter aujourd’hui avec cette aisance magistrale et cette sûreté de goût.

Après les portraits peints par M. Flandrin, les portraits peints par MM. Amaury-Duval et Lehmann ont été le plus généralement et le plus justement remarqués aux divers salons qui se sont successivement ouverts depuis vingt-cinq ans. Nous regrettons que le premier de ces deux artistes ne nous ait pas donné cette année quelque toile digne de celles qu’il exposait autrefois, et qu’il se soit contenté de nous rappeler dans de simples dessins ces qualités de finesse qui caractérisent son talent délicat. M. Lehmann a été plus fécond. Sans compter plusieurs petits tableaux sur des sujets d’histoire ou de fantaisie, et la répétition, dans des dimensions réduites, des remarquables peintures qu’il a exécutées dans les deux hémicycles de la salle du trône au palais du Luxembourg, il a envoyé au Salon sept portraits. Deux de ces toiles, le portrait d’une jeune femme vêtue d’une robe bleue et le portrait de M. l’abbé Deguerry, expriment des intentions de composition que nous aimerions à rencontrer plus souvent dans les œuvres des artistes contemporains, et que les maîtres portraitistes français, depuis la fin du XVIe siècle jusqu’au commencement du XIXe, se sont traditionnellement