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encouragemens. Évidemment M. de Chavannes a encore beaucoup à apprendre, mais quelques parties de son Retour de chasse semblent indiquer chez l’artiste un certain instinct de la grandeur. Peut-être, avec du travail et une étude plus sévère de la forme, ce que l’on entrevoit ici à l’état de promesse se résoudra-t-il en qualité positive.

Nous avons dit que la peinture d’histoire, en tant qu’interprétation vraiment épique des événemens et des actes humains, est à peu près absente du Salon. En revanche, s’il faut entendre par ce mot la chronique pittoresque, la restitution archéologique des mœurs et des choses, les spécimens de la peinture d’histoire ne manquent pas à l’exposition de 1859. Le fait au surplus n’est pas nouveau. On sait que depuis quelques années une petite église s’est constituée, dont le culte se résume non pas dans la dévotion à l’art antique, — c’est-à-dire à l’expression suprême du naturel et du beau, — mais dans l’adoration des formules extérieures, des usages, des costumes de l’antiquité. Sous le pinceau des uns, cette nouvelle foi esthétique s’est traduite dans des compositions ingénues souvent jusqu’à la puérilité ; le style grec ou romain a servi surtout à rajeunir les mignardises surannées du XVIIIe siècle, et l’art sévère retrouvé à Athènes ou sous les cendres du Vésuve est devenu une sorte de vêtement à la taille des héros de Berquin. Le pinceau des autres nous a rendu avec un soin minutieux, avec une rigueur officielle, des détails inconnus de mœurs, d’ajustement, d’ameublement et d’architecture. Rien de mieux si, à force d’insister sur l’exactitude de ces restaurations, on n’avait fini par substituer absolument le fait matériel à l’image, l’archaïsme au style personnel, et le résultat des recherches curieuses à l’expression de la pensée.

Le plus distingué comme le plus radical de ces peintres antiquaires, M. Gérôme, qui, entre autres ouvrages un peu plus historiques que de raison, exposait, il y a quelques années, certain intérieur où les particularités les moins édifiantes de la civilisation grecque étaient trop résolument mises en lumière, M. Gérôme, avait paru récemment vouloir se départir de ses habitudes d’érudition à outrance. La Sortie du bal masqué, le moins savant dans un certain sens, mais jusqu’ici le meilleur de ses ouvrages, prouvait que le talent de l’artiste gagnait beaucoup à se produire en dehors de l’archéologie. Par malheur, au lieu de continuer à prendre conseil de son imagination, M. Gérôme est revenu aux investigations scientifiques. Il a de nouveau compulsé les textes, interrogé les monumens de préférence à la nature, et procédé avec la sagacité patiente d’un bénédictin là où il convenait surtout de faire acte de peintre.

Des trois tableaux que M. Gérôme a exposés, un seul, César, offre quelque chose de plus qu’un intérêt de pure curiosité, bien que,