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L'ART FRANCAIS
AU SALON DE 1859



Toutes les fois qu’on a devant les yeux un ensemble d’œuvres appartenant à l’art français du XIXe siècle, on ne peut se défendre d’un mouvement d’orgueil national, sauf à éprouver ensuite un certain sentiment de tristesse. En face de tant de témoignages d’activité, d’intelligence et d’habileté technique, on se dit qu’une école animée d’une vie aussi générale laisse loin derrière elle les autres écoles contemporaines, que même dans notre pays les talens n’ont été à aucune époque plus nombreux qu’aujourd’hui ; mais, lorsqu’on examine de près ces talens et qu’on en scrute la foi esthétique, il faut bien reconnaître qu’ils sacrifient trop souvent à la recherche du charme extérieur le sérieux et l’élévation de la pensée, l’expression profonde, toutes les conditions morales en un mot qui, depuis l’origine, ont été l’inspiration principale et comme le génie même de l’art français. Le Salon de 1859 accuse une fois de plus, et plus clairement peut-être qu’aucune des expositions précédentes, cette habileté pratique, presque universelle dans notre école, mais en même temps cette fécondité un peu stérile, cet abaissement du goût et des principes traditionnels. Cherchez parmi les trois mille tableaux qui garnissent les salles du palais des Champs-Elysées ceux où le talent, à prendre ce mot dans un sens matériel, fait complètement défaut, vous n’en découvrirez qu’un bien petit nombre. En revanche, quelques rares ouvrages exceptés où la forme pittoresque est l’enveloppe sensible de la pensée et non