Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 21.djvu/498

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paraître ailleurs, on arriverait à fixer approximativement l’époque des migrations de certains peuples et à connaître à quelle branche de la famille aryenne il convient de les rattacher; mais ce sont là des hypothèses hardies qu’on ne pourrait encore asseoir sur des bases solides. Ce qu’il y a de plus certain, c’est qu’un mot vieilli a été jeune; si la nation qui l’employait l’a mis au rebut, c’est que l’objet représenté par ce son ne frappait plus ses regards. Les débris du langage ne prouvent-ils pas aussi bien que les ruines d’un édifice couché dans la poussière l’existence d’un peuple disparu? Pour recomposer le langage pré-historique cherché par M. A. Pictet, il faut interroger tous les idiomes, et recueillir tous les fragmens, toutes les pierres qui peuvent se rapporter à l’ancien édifice. Quand le langage aura été trouvé, en partie du moins, on entendra parler ce peuple aryen primitif, antérieur à l’histoire, mais sans le voir encore. Par son langage cependant, on pourra juger de la nature de ses impressions et de ses idées; on reconnaîtra dans quel milieu la Providence l’avait placé, quelles étaient ses joies, ses peines, ses espérances, ce qu’il redoutait et ce qu’il aimait. Par induction, on arrivera à lui assigner sa véritable patrie, puis à comprendre les habitudes de sa vie, enfin à percevoir nettement sa physionomie. L’être fossile retrouvera ses muscles et sa chair, se revêtira de sa peau, et il se montrera debout dans la perspective lointaine des siècles écoulés : ce sera là un résultat magnifique. Pour savoir si M. A. Pictet a touché le but qu’il se propose, il faut attendre que la seconde partie de son ouvrage soit publiée. Nous n’avons encore sous les yeux que la paléontologie linguistique, c’est-à-dire le travail préparatoire, la plus aride moitié de ce grand essai. Malgré son aridité inévitable, cette longue et consciencieuse étude éveille tant de pensées et fait naître tant de réflexions, qu’elle se recommande à tous les esprits attentifs. N’est-il pas intéressant de savoir d’où l’on vient, quelle place on occupe dans la grande famille humaine? En considérant la marche suivie par les peuples de l’Europe, qui sortaient de régions lointaines où nulle lumière ne brillait pour arriver aux lieux que devaient éclairer le christianisme et la civilisation, on admire la sagesse divine et on a foi dans la destinée des nations que la Providence, avec une bienfaisante sollicitude, a retirées du milieu des ténèbres. Ce point de vue n’est pas étranger aux convictions que professe M. A. Pictet dans ses Origines Indo-européennes. Le peuple pré-historique dont il poursuit la découverte en recomposant son langage ne sera point un défi jeté aux traditions bibliques. L’assurance que l’auteur nous en donne lui-même nous rend plus sympathique encore à son entreprise, et nous croyons, avec beaucoup de gens sensés, que la science, pour se faire écouter, n’a pas besoin d’être systématique et agressive.


TH. PAVIE.



REVUE DRAMATIQUE.


Depuis quelque temps, la mode est venue de donner à certaines œuvres dramatiques le titre de pièce. Si cette nouvelle appellation est assez vague, elle n’en est pas moins ambitieuse. Que faut-il voir dans une pièce? Une sorte de composé hybride des lazzis du vaudeville, des railleries et des ana-