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certaine recherche. Les logemens, qui sont d’un prix relativement élevé, puisqu’une chambre de dimension ordinaire ne coûte guère moins de 100 francs par an, sont entretenus avec une propreté extrême. Établis communément de plain-pied avec le sol, ils sont revêtus de parquets formés de longues planches de sapin, qui leur assurent tout de suite une sorte de comfort inconnu dans la plupart de nos provinces, où les habitations rurales n’ont pour carreau que de froides briques, et plus fréquemment encore de la terre battue. Comme le bois ne coûte presque rien à Septmoncel, il est prodigué partout dans les constructions. Aux avantages qu’offre ce système se joint un inconvénient grave, le danger de l’incendie. On en cite de trop nombreux exemples, et le feu est très difficile à étouffer ou à contenir, car il s’attaque à des bois d’une nature résineuse. Il n’y a guère plus de trente ans, Septmoncel a été presque entièrement détruit par les flammes. Quelques années auparavant, à une époque de douloureuse mémoire, lors de l’invasion du territoire national, les Autrichiens, qui occupèrent le Jura, n’avaient eu qu’à lancer une torche enflammée pour brûler en un moment plusieurs rangées de maisons du même village. La mémoire des incendies reste toujours vivante parmi les habitans; aussi chacun est-il constamment sur ses gardes : les moyens de secours sont en permanence dans toutes les maisons, et si un incendie se déclare quelque part, on est prêt en un clin d’œil à le combattre.

L’ameublement des habitations se présente en général sous un bon aspect; il dénote qu’on aime à s’approprier, du moins autant qu’on le peut, tout ce qui constitue un perfectionnement dans les installations domestiques. Ainsi pas de logement où il n’y ait une glace, une pendule, où l’on n’aperçoive quelque appareil économique pour la cuisson des alimens et pour le chauffage. Une tendance analogue se révèle encore dans l’habillement, qu’il faut voir le dimanche. Les hommes ne voudraient pas ce jour-là endosser la blouse; ils portent d’ordinaire une veste ronde en étoffe pelucheuse et forte, et des pantalons d’un drap de fantaisie commun et solide, tel qu’en fabriquent à si bon marché plusieurs cités industrielles du midi de la France. Quant aux femmes, elles sont naturellement plus recherchées dans leur parure; mais elles ont si bien réussi à imiter la toilette des villes qu’il n’y a plus de caractère spécial dans leur costume.

Comment, avec ces exigences diverses, peut-on mettre en équilibre le budget de la famille, et, suivant le dicton populaire, nouer les deux bouts? On y réussit cependant, mais ce n’est qu’en restreignant dans des limites presque incroyables les dépenses de la nourriture quotidienne. La frugalité de ces fils de la montagne se-