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les grenats, les tourmalines rouges, parfois si faciles à prendre pour des rubis. Le troisième groupe, celui des pierres bleues, n’est guère moins nombreux que le précédent, car il englobe tous les saphirs, puis le béryl ou aigue-marine et certaine variété de tourmaline. Il n’y avait à Septmoncel, au; moment de mon passage, que d’assez rares échantillons de ce dernier genre; celui des pierres vertes, qui vient le quatrième, était au contraire largement représenté par des émeraudes de différens pays, émeraudes du Pérou, émeraudes du Brésil, émeraudes orientales, chacune ayant son reflet distinctif[1]. Des pierres bleues et des pierres vertes dérive un cinquième genre qu’on peut qualifier d’hybride, celui des pierres bleues-verdâtres, qui ne renferme que l’aigue-marine orientale et l’aigue-marine de Sibérie, l’une et l’autre très répandues dans le commerce, surtout la première. où arrive ensuite à la famille des pierres jaunes, bien autrement riche en variétés, et dans laquelle nous voyons la topaze orientale d’une nuance plus ou moins prononcée et d’un éclat toujours très vif, la topaze du Brésil, de nuance foncée, presque roussâtre, l’aigue-marine dite aigue-marine jonquille, et dont le nom indique la couleur particulière, le jargon de Ceylan, qui a le ton un peu accentué du souci, et jette tant d’éclat qu’on l’a vendu plus d’une fois pour du véritable diamant. Après les pierres jaunes vient un genre métis, celui des pierres vertes-jaunâtres, auquel appartiennent les péridots de toute provenance et la pierre nommée chrysolithe orientale, longtemps fort recherchée en Angleterre, où elle avait été mise à la mode, dit-on, par Olivier Cromwell. Le huitième groupe se compose des pierres violettes, pierres si élégantes et si délicates, dont la qualité est des plus difficiles à distinguer, même pour des connaisseurs. On en compte seulement deux espèces, l’améthiste orientale, si belle et si rare, qui orne l’anneau des évêques, et l’améthiste ordinaire. Il ne reste plus à mentionner que trois genres pour compléter le tableau général des pierres précieuses classées d’après leur coloris : celui des pierres dont la couleur est un mélange de rouge aurore et de brun, comme l’hyacinthe et l’espèce de grenat appelée vermeille ; celui des pierres caractérisées par des reflets mélangés, comme les astéries, les opales, la pierre de lune ou œil de poisson, la pierre du soleil ou aventurine orientale[2] ; enfin celui de tous les genres qui est à

  1. À ce genre appartient la pierre vert-pomme appelée chrysoprase, et dont la cristallerie s’est appliquée de nos jours avec tant de soin à imiter la nuance équivoque dont l’effet ne méritait peut-être pas d’être aussi recherché.
  2. La pierre de lune, disent les lapidaires, réfléchit la lumière comme la lune, et les reflets semblent osciller dans l’intérieur de la pierre, lorsqu’elle est taillée en cabochon, à chaque mouvement qu’on lui imprime. Quant à la pierre du soleil, qui réfléchit, assure-t-on, l’image entière de l’astre du jour, on a longtemps douté, mais on ne peut plus douter aujourd’hui de son existence dans la nature. L’empereur Napoléon Ier en possédait une d’un incomparable éclat. Seulement cette pierre est très rare; la plupart des aventurines orientales mises dans le commerce, pour ne pas dire toutes, sont des pierres artificielles faites avec de la limaille de laiton répandue dans une matière vitreuse en liquéfaction, mais dont l’effet ne laisse pas d’être très satisfaisant.