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améliorer la condition sociale des femmes (woman’s roghts morement). Un grand succès a couronné cette première tentative : l’école supérieure des filles, fondée en 1852, comptait 174 élèves en 1857. On désirera certainement savoir quelle culture intellectuelle peuvent recevoir les femmes à Boston des mains mêmes de la commune. On en jugera par la sèche mais instructive énumération du programme des études. En le parcourant, on y retrouve à peu près les mêmes sciences et les mêmes sujets d’étude que dans les programmes des écoles supérieures, fréquentées par les garçons[1]. L’on s’étonne de voir mise à la portée de toutes les femmes une instruction d’un goût aussi moderne, où le latin se mêle à la physiologie, et la littérature aux mathématiques. C’est l’éducation des femmes savantes du XVIIe siècle combinée avec celle des femmes philosophes du XVIIIe, un mélange de Mme de Scudéry et de Mme du Châtelet. Cette éducation, si peu féminine dans le sens où ce mot s’entend dans notre vieux monde, n’a rien qui effraie aux États-Unis les imaginations et les prétentions masculines ; on n’y trouve pas mauvais que les femmes puissent en apprendre autant que nous. L’américain n’est même pas humilié d’épouser une personne plus instruite que lui ; il aime à prendre pour lui-même le souci vulgaire des affaires, et à lui laisser des loisirs pour cultiver son esprit. Faut-il s’étonner que, dans un tel pays, les classiques anglais, les ouvrages des auteurs américains se trouvent sur toutes les tables, dans les campagnes les plus reculées comme dans les villes ? Un nouveau volume de vers de Longfellow, le dernier sermon de Théodore Parker, s’enlèvent par milliers, et portent dans toutes les classes de la nation le goût de ce qui est noble et élevé. En Europe, bien qu’aucun ridicule ne s’attache plus aux femmes lettrées, on leur pardonne encore difficilement de savoir ce que les hommes croient seuls avoir le droit de connaître. Nous avons toujours dans la mémoire les vers de Molière contre celles qui osent disputer aux hommes le privilège d’être savant. Aux États-Unis, les femmes ont envahi hardiment le domaine des sciences : beaucoup commencent à étudier et à pratiquer la médecine avec succès ; un des meilleurs astronomes des États-Unis est une femme, miss Mitchell.

Il n’est pas sans intérêt de savoir au prix de quels sacrifices l’éducation peut être si libéralement distribuée aux deux sexes dans les écoles de Boston : le budget des écoles s’est élevé dans cette ville,

  1. Le programme de la première année comprend l’arithmétiques, la géométrie, la grammaire, l’histoire naturelle, les synonymes, la rhétorique, la composition anglaise, l’histoire, le latin, le dessin, la musique vocale ; la deuxième année, l’algèbre, la philosophie morale, le français, la rhétorique, la physiologie, l’histoire ; la troisième année, la géométrie, l’histoire, la philosophie, l’astronomie, la chimie, la géographie physique.