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chances de succès sur ce théâtre de la vie que la race anglo-saxonne se plaît souvent à comparer à un champ de bataille. Seulement il faut bien le remarquer, et c’est là le trait caractéristique de la doctrine américaine : si l’état distribue libéralement l’instruction élémentaire nécessaire à tous, il ne prend aucun souci de ce qui n’est nécessaire qu’à quelques-uns. L’instruction supérieure, l’avancement des sciences, le progrès des lettres sont indépendans de tout patronage ; les universités, les académies, les collèges, se fondent, se perpétuent sans l’intervention de l’état, par les seules forces de l’association privée. Ici comme en toute chose, l’Amérique est restée fidèle à des instincts purement démocratiques ; ce qui le prouve surtout, c’est la manière même dont la société fait sentir son intervention dans les établissemens voués à l’instruction élémentaire, les seuls, avons-nous dit, dont elle s’occupe. Elle ne choisit point pour organe le pouvoir fédéral, ni même, dans la plupart des cas, le pouvoir exécutif propre à chaque état, mais simplement la commune. L’établissement des écoles, le personnel, l’enseignement ne sont réglés ni par des lois générales, ni par des lois particulières aux diverses parties de l’Union ; les écoles sont aussi indépendantes que la commune elle-même.

Pour apprécier d’une manière judicieuse ce qu’on pourrait nommer le niveau intellectuel des États-Unis, il faut donc examiner ce qu’a produit directement l’action des communes, et de plus ce qu’a enfanté l’initiative des individus combinée avec l’esprit d’association. L’action immédiate du pouvoir central ne s’exerce que dans un très petit nombre d’établissemens, dans l’école militaire de l’Union et dans les départemens spéciaux dont les travaux intéressent le développement de la marine nationale. Il y aura donc à étudier en premier lieu l’organisation des écoles publiques, ensuite celle des universités et des institutions savantes, libres ou relevant du pouvoir fédéral. Un pareil examen ne peut manquer d’être fructueux, en montrant par comparaison ce que les États-Unis ont gagné à suivre, en matière d’éducation, l’impulsion des théories démocratiques, ce qu’ils ont consenti à perdre et ce qu’ils doivent s’efforcer d’acquérir.


I.

C’est dans les écoles de Boston qu’il faut se placer pour suivre dans ses plus remarquables tentatives et ses derniers progrès l’instruction publique aux États-Unis. Boston est, on le sait, la capitale intellectuelle des États-Unis, comme Washington en est la capitale politique et New-York la capitale commerciale. Boston est le centre