Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 21.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

théorie des quatre élémens, fondée sur l’observation de quatre états principaux de la matière, tint lieu de physique générale. La terre, l’eau, l’air, le feu, expliqués dans l’acception plus étendue qu’attribuaient à ces mots l’antiquité et le moyen âge, représentaient ces états transitoires que les chimistes nomment aujourd’hui : état solide, état liquide, état gazeux, état de combustion portée à une assez haute température pour donner lieu à la production de la lumière. La science a ruiné cette division quadripartite, si commode et si facilement applicable. Elle l’a remplacée par la théorie des corps simples, c’est-à-dire indécomposables, dont les combinaisons infinies donnent naissance à tous les principes matériels, à toutes les substances, à tous les corps. Ces soixante-quatre corps simples, ou réputés tels, faute de moyens connus pour les décomposer, sont devenus les élémens de l’univers. Mis en jeu par la chaleur et l’électricité, modifiés par l’action de la lumière, mus par la pesanteur, par la force élastique, attirés par des affinités électives, ils ont réellement présidé à la formation du monde. Ils obéissent à des lois fatales, dont pourtant les résultats sont toujours intelligens ou raisonnés. La science les prend pour ce qu’ils apparaissent, et ne remonte point au-delà des propriétés dont ils sont doués. Ce n’est pas qu’elle nie qu’une intelligence supérieure et infinie ne se cache derrière ces manifestations matérielles; mais Dieu n’a pas permis à l’homme de l’atteindre dans son essence, et nous remonterions au-delà même de ces élémens, que nous rencontrerions encore des élémens régis par des lois fatales, sans pouvoir jamais arriver au véritable point de départ, placé derrière eux à l’infini.

La géologie n’a point attendu les progrès de l’astronomie et de la chimie pour étudier les révolutions du globe et rechercher la composition de notre planète. Prenant les agrégats de matière dont la terre est formée, tels qu’ils sont, sans en rechercher la structure intime et le mode de production, elle s’efforça de découvrir dans quel ordre ces agrégats, ou, comme elle les appelle, ces minéraux, ces roches, se sont disposés successivement; elle essaya de savoir en vertu de quelle cause ils s’étaient accumulés dans des situations si diverses. Pour connaître les transformations que les roches et les minéraux ont subies, elle dut cependant quelquefois emprunter les lumières de la chimie. Tandis que celle-ci faisait l’embryogénie de la terre, la géologie en composait l’histoire chronologique.

La paléontologie vint ensuite, qui nous apprit que des espèces animales différentes des nôtres avaient jadis habité à la surface du globe. Les vestiges de créations anciennes servirent à dater les périodes géologiques, et permirent de déterminer dans quelles con-