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I.

Comment la matière a-t-elle été répandue dans l’espace? Faut-il la croire aussi ancienne que la force mystérieuse et intelligente qui lui a donné naissance? Fut-il un temps où l’esprit de Dieu planait seul dans l’immensité, n’ayant d’autre aliment à son activité que la pensée de créer un jour l’univers? Dieu a-t-il créé éternellement des mondes et veillé éternellement à leur conservation? Impénétrables questions auxquelles l’homme ne saurait répondre, et que la science ne peut davantage résoudre! La matière existe, sans elle il nous est impossible de concevoir les choses, sans elle nous ne saurions comprendre l’activité divine. Cela doit nous suffire, car déjà le champ de recherches est assez vaste quand il s’agit de remonter à la matière informe et chaotique dont est sorti notre système solaire. Au-delà de ces bornes que nous atteignons difficilement, il n’y a plus pour nous qu’un mystérieux lointain, où le réel ne saurait être distingué de l’imaginaire.

La matière existe; son existence nous est invinciblement attestée par le témoignage des sens : c’est elle seule que nous pouvons observer. C’est de matière que se compose notre globe; c’est la matière qui, sous mille formes et mille apparences diverses, en constitue le noyau, la surface et l’enveloppe externe. L’astronomie, aidée de la physique, nous a appris que les corps célestes en sont composés, comme notre planète, bien qu’on ne puisse affirmer que la matière planétaire et stellaire soit identique à celle qui se rencontre dans notre globe; mais puisque les corps célestes obéissent aux mêmes forces que la terre, qu’ils sont soumis aux mêmes agens, qu’ils se conduisent d’après des lois conformes à celles que nous a révélées ici-bas l’observation, il faut nécessairement admettre que la composition des planètes et des étoiles est, sinon identique, du moins analogue à celle que présente notre globe ou qu’il a offerte aux époques antérieures. La ressemblance qui existe entre la terre et les autres corps suspendus dans l’espace permet d’éclairer l’histoire de l’une par celle des autres, et réciproquement. Les changemens accomplis dans l’aspect de certaines parties de notre système solaire ou dans des étoiles infiniment plus éloignées deviennent des moyens d’induction pour expliquer par quelles phases la terre elle-même a passé.

La composition de la matière est donc la base de toute cosmogonie scientifique, et la chimie se trouve appelée en conséquence à servir de point de départ à la géologie. Pendant longtemps, la