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tuel de ceux qui les ont imaginées, plus ou moins obscures selon l’ignorance des peuples en physique, ces cosmogonies présentent toutes un caractère commun, qui est précisément le contraire de ce que nous appelons le caractère scientifique. La mythologie s’y mêle à la notion vague des forces générales agissant dans l’univers : un dieu ou des dieux y interviennent, non pas seulement comme des ordonnateurs suprêmes dont les volontés se manifestent par les lois naturelles, mais comme des ouvriers qui mettent eux-mêmes la main à l’œuvre, et façonnent le monde d’après un type capricieusement inventé. Les théogonies des premiers philosophes grecs, d’un Phérécyde, d’un Acusilaüs, d’un Empédocle, ne se distinguent guère, à cet égard, de celles des plus anciens poètes, tels qu’Hésiode ou les chantres du Véda. Des conceptions abstraites, revêtues de personnalités humaines, y figurent au lieu des agens impondérables et des forces mécaniques, dont l’étude seule constitue aujourd’hui la science. A côté de ces cosmogonies fantastiques, où l’on discerne à peine quelques vestiges d’observation, il s’en place toutefois une autre, dont la simplicité contraste avec l’appareil mythologique adopté par le polythéisme : c’est celle de la Genèse. Récit court et naïf des premiers jours de l’univers, le commencement du livre saint expose l’origine des choses sans avoir recours au cortège de dieux et de puissances démiurgiques qu’on rencontre partout ailleurs. Dieu seul y apparaît en face de la créature; c’est lui qui la fait sortir du néant, et qui coordonne les diverses parties du monde par le seul effet de sa parole. Cependant, malgré la simplicité du récit biblique, il est facile de s’apercevoir que la notion scientifique y manque aussi bien que dans les cosmogonies les plus mythologiques. En outre, aucun détail n’y est donné sur les circonstances de la création; il n’y est rien dit des révolutions que notre globe a traversées, de la distribution des espèces et des continens. On se contenta longtemps du récit de l’écrivain sacré, et le texte de la Genèse, commenté par les docteurs dans la seule intention d’en tirer des enseignemens moraux, suffit pour répondre pendant des siècles aux préoccupations générales. On prenait les paroles de la Bible telles qu’elles sont, sans prétendre y découvrir la raison de certains faits qu’il n’était pas d’ailleurs possible alors de soupçonner; mais quand l’écorce terrestre eut été soumise à une étude un peu attentive, quand on eut constaté plusieurs des changemens qui se sont produits à sa surface, on chercha naturellement à découvrir dans le livre saint la mention de ces phénomènes inexpliqués. On essaya de faire dire à la Genèse ce qu’assurément elle n’exprime point; on voulut y trouver l’exposition abrégée des révolutions physiques qu’il était devenu impossible de méconnaître. Comme personne ne doutait de