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rivalité de fraîche date a déjà éclaté en une violente hostilité, dans laquelle les projets se heurtent à des projets contraires, les affirmations les plus tranchées à des négations tout aussi absolues. Des études très précises pourront seules déterminer la préférence à donner à l’un ou à l’autre au nom de l’intérêt général.

Quoique nous ayons écarté de cette étude tout ce qui a trait à la défense armée de la colonie, nous ne pouvons nous empêcher de constater qu’elle possède, sans compter le port d’Alger, deux positions à la fois militaires et nautiques de la plus haute importance. L’une est Mers-el-Kebir, dont la rade, qui peut recevoir une flotte en toute saison, commande tous les ports compris entre le cap Tenez et la frontière du Maroc, couvre et défend la frontière maritime des régions d’Oran et de Tlemcen. Si les parages de Gibraltar redevenaient le théâtre de luttes navales, Mers-el-Kebir, placé sous le vent du détroit, offrirait après un combat malheureux un refuge très accessible, même pour des vaisseaux désemparés. En facilitant la réunion de nos flottes de Brest et de Toulon, ce port tend à neutraliser l’occupation de Gibraltar par les Anglais. Tous ces avantages lui assurent une haute valeur stratégique, qui invite à ne reculer devant aucun sacrifice pour en compléter la défense, déjà fort avancée. L’importance militaire de Bougie n’est pas moindre. Sa rade, où la flotte turque hivernait avant 1830, offre naturellement, même dans la mauvaise saison, un mouillage sûr, capable d’abriter une escadre entière, et facile à prendre ou à quitter par tous les temps. En surveillant le passage des Baléares et les abords du canal de Malte, cette rade appuie nos opérations navales tant sur les côtes d’Italie que dans les mers du Levant; elle commande militairement tous les mouillages depuis Dellys jusqu’à Stora, et facilite les relations d’Alger avec Philippeville et Bône; elle couvre enfin la frontière maritime de la province de Constantine, et assure de ce côté le ravitaillement de l’armée. Bougie est en outre plus rapproché qu’Alger de Toulon, de Marseille, surtout des ports de la Corse, qui, en temps de guerre maritime, offriraient à nos escadres de précieuses relâches entre la France et l’Algérie. Ces dons de la nature méritent d’être appréciés, car la vocation de l’Afrique septentrionale, de la Berbérie, écrite dans son histoire depuis trente siècles, est essentiellement une vocation maritime. Dès qu’on y pensera sérieusement, le pays fournira et les forêts pour construire les navires, comme l’ont constaté des ingénieurs de la marine envoyés en exploration, et les matelots pour les équiper.

Après les routes et les ports, le régime des eaux dans l’intérieur appelait les travaux publics les plus importans, soit pour l’agriculture, soit pour la salubrité. Ils se résument en trois mots qui sont trois grandes idées et trois grandes œuvres : les barrages, les ca-