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de la propriété, s’il demande de vastes espaces qui se prêtent à des assolemens réguliers, des esprits impartiaux ne sauraient y voir que l’irrécusable condamnation du système opposé qui a prévalu.

Moins entravée que l’agriculture, entourée d’une sollicitude plus discrète, l’industrie a pu obéir à ses instincts et à ses intérêts; elle n’a eu à se plaindre que de lenteur et de sévérité excessive dans l’instruction de ses demandes, de difficultés sans cesse renaissantes pour pénétrer en territoire militaire. Ses principaux échecs lui sont venus de l’insuffisance de ses capitaux de fondation et de roulement ainsi que de l’inexpérience trop habituelle de ses agens; ses principales souffrances ont été imputables à l’état informe de la viabilité et aux rigueurs douanières. A travers bien des mécomptes, dont quelques-uns ont retenti à la Bourse et brillent encore sur ses cotes en chiffres immuables, plusieurs établissemens prospèrent et grandissent, entre autres ceux de Kef-oum-Theboul dans le cercle de La Galle, près de la frontière de Tunis, et de Gar-Roubban, dans le cercle de Lalla-Maghrnia, sur la frontière du Maroc : l’un et l’autre exploitent des mines de plomb argentifère. Les forges de l’Alélik fabriquent sur de grandes proportions des fontes aciéreuses. Quoique cruellement éprouvées par des malheurs divers, les compagnies de Mouzaïa et de Tenez ne désespèrent ni ne chôment. Dans la province de Constantine, une exploration d’antimoine se soutient au Hamimat. Avec ce métal, le fer, le cuivre, le plomb et l’argent sont l’objet de nombreuses recherches; on exploite aussi les marbres, parmi lesquels les blancs statuaires de Filfila sont renommés, ainsi que les calcaires onyx translucides de Tlemcen, qui ornent déjà les plus riches salons de Paris, où ils se rencontrent avec les meubles de thuya, un des plus beaux bois d’ébénisterie connus.

Dans des genres différens se constatent d’autres progrès. La minoterie est assez largement constituée pour suffire aux besoins du pays, s’essayer même à l’exportation, qui, en employant des procédés plus perfectionnés, deviendrait une très lucrative spéculation, car on aurait chance de supplanter les États-Unis sur tous les marchés de l’Europe. Les moulins à huile suivent de près les moulins à farine. Les papeteries débutent avec des matières textiles absolument inépuisables et au plus vil prix. La fabrication des tabacs, populaire partout, est particulièrement perfectionnée à Alger, Oran et Philippeville. La distillation des plantes aromatiques et la préparation des essences se naturalisent même chez les trappistes de Staouéli, au grand scandale de leurs concurrens laïques. Les forêts de chênes-liéges attirent les plus hauts représentans de l’aristocratie nobiliaire et industrielle, qui consacrent à cette exploitation beaucoup de capitaux et de soins. La filature de la soie, l’égrenage du coton installent çà et là leurs usines. La typographie enfin a fondé