Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 21.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tique autant que la raison politique interdisent de le penser. L’Espagne et la Sardaigne, où le fonds de l’agriculture est le même que chez nous, sont au premier rang de nos relations commerciales, tant il est vrai que l’immense variété des besoins crée, entre les contrées qui paraissent se ressembler le plus, une infinie variété d’échanges. La vérité de cette observation éclate surtout quand on va du nord au sud dans le sens des latitudes correspondant à la différence des climats. Il suffit que l’Algérie soit à huit degrés au sud de la France pour substituer à d’apparentes similitudes, si l’on ne regarde qu’au nom générique des produits, des variétés fort réelles d’espèces, de qualités et d’emplois. Pour en citer quelques exemples, le blé dur d’Afrique convient mieux que le blé tendre de France pour la fabrication des pâtes alimentaires. Les tabacs ont un arôme plus doux et plus fin que ceux du Lot ou du Pas-de-Calais. Les vins rappellent ceux de Malaga ou de Xérès, non ceux de Bourgogne et de Bordeaux. Les oranges et les dattes ne font aucun tort aux pommes et aux poires françaises, pas plus que les chevaux arabes aux races du Limousin ou de la Normandie. Les laines d’Afrique servent pour des étoiles communes qui ne supportent pas le prix des laines de France. Avec des richesses pareilles d’ailleurs, la disproportion dans chaque localité des besoins et des ressources, la différence même des saisons, invitent aux échanges. Le midi de la France manque, dans une certaine proportion, de grains, de bestiaux et d’huiles que l’Algérie peut lui fournir. Paris reçoit et consomme volontiers en plein hiver les primeurs de la colonie. Non moins volontiers l’industrie métropolitaine est disposée à s’approvisionner en Afrique de cocons et de soies grèges, de cotons, de garances, de plantes textiles et tinctoriales, de bois, de minerais divers, de vingt sortes de matières premières, et elle y trouve dès à présent un débouché dont l’importance croît, et dont les limites géographiques reculent d’année en année.

L’administration était donc autorisée à écarter les clameurs d’intérêts aveugles et à livrer la colonie aux seules lois de la nature et de l’économie rurale. En fait de produits exotiques, un seul devait ajuste titre et dans une juste mesure tenter son ambition, le coton. Pour le conquérir à l’Algérie, elle a cru nécessaire de déployer de grands et coûteux efforts, oubliant que dans la première période de l’occupation divers colons l’avaient spontanément essayé, qu’en 1838 et 1839 la ferme de la Rhegaya en possédait de vastes plantations, détruites par la guerre seule. Pour le faire renaître dans les localités où il a de sérieuses chances de succès, c’est-à-dire dans la province d’Oran et dans les plaines basses des deux autres, enfin dans les bas-fonds et les oasis du Sahara, il eût probablement suffi