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ques de la Réunion et des Antilles. Bien qu’en Algérie la propriété, plus morcelée, se prête moins à cette opération que la grande propriété des anciennes colonies à esclaves, les récoltes y présentent en bien des cas des garanties sérieuses et qui pourraient suffire, jointes à la signature de l’emprunteur. La banque de l’Algérie n’est accessible aux cultivateurs ni par ce moyen ni par le crédit direct : ils ne peuvent arriver jusqu’à elle que par l’intermédiaire de négocians qui joignent aux 6 pour 100 de l’escompte prélevé par la banque un minimum de 4 pour 100 d’agio pour eux-mêmes, soit un escompte total de 10 pour 100, le moins élevé que puissent espérer les propriétaires les plus solvables. Pour les emprunteurs dont la solvable paraît tant soit peu douteuse, l’intérêt n’a plus de moyenne, parce qu’il n’a plus de limites ; à 2 pour 100 par mois, il passe pour n’être pas exorbitant. Des lois répressives provoquées par un tel état de choses sont restées sans effet utile. Au mois de novembre 1848, le gouvernement rendit applicable à l’Algérie la loi sur l’usure : l’intérêt civil et l’intérêt commercial étaient en même temps portés au double. Malgré cette concession, l’arrêté du général Cavaignac dut être rapporté au bout d’une année d’expérience : l’argent des prêts s’était ostensiblement retiré de la circulation, et le taux déguisé des emprunts devenu plus usuraire que jamais. Contre un mal aussi grave, il n’est aucun remède artificiel et soudain ; ni la Banque de Fiance, dans ces derniers temps invoquée par quelques-uns pour remplacer la banque de l’Algérie, ni les banques cantonales, qui seraient constituées par dotations officielles, ni la multitude des caisses de crédit et d’escompte, toujours pompeusement annoncées, puis croulant bientôt pour renaître passagèrement de leurs cendres : rien de tout cela n’y fera. La cherté des capitaux, comme de toute marchandise soit recherchée, ne diminuera que par l’abondance de l’offre, qui ne pourra naître elle-même que d’une abondance et d’une concurrence réelles : celles-ci ne viendront qu’avec une organisation sociale et économique assez libérale pour favoriser en Algérie la multiplication naturelle des capitaux, assez protectrice pour les attirer du continent, où ils surabondent. Le taux sera d’ailleurs, pendant bien des années encore, plus élevé qu’en France, résultat inévitable de la demande universelle qu’excite l’ardeur des entreprises, et juste récompense des risques encourus et de l’importance des services.


II.

Tels sont les élémens de toute colonisation, la nature, les populations, les capitaux. Au moment de les unir dans une alliance féconde,