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grande loi météorologique, tout à fait opposée à leurs habitudes, qui divise l’année en deux saisons principales, l’une pluvieuse, l’autre sèche, liées par deux courtes saisons de transition. Ils accusent de caprices une atmosphère qui est en réalité moins irrégulière et plus propice à l’agriculture que celle des pays septentrionaux, où la pluie s’entremêle à la chaleur pendant toute l’année. Bien étudié et bien compris dans l’harmonie de ses lois, le climat algérien supporte la comparaison avec le climat des zones tempérées ou torrides, et particulièrement avec celui des États-Unis, auquel on l’oppose volontiers pour expliquer les progrès plus rapides de la colonisation américaine. Dans la grande république de l’Union, les états du nord subissent pendant six mois des frimas qui interdisent le travail extérieur ; les états du centre sont ravagés par les inondations et les fièvres qui désolent les immenses vallées du Missouri et du Mississipi ; les états du sud ont la fièvre jaune sur le littoral, et dans l’intérieur la sécheresse, les sauterelles, des écarts excessifs de chaleur et de froid. Pour ne parler que du Texas, où courent les émigrans allemands comme à un paradis terrestre, et où les villes se multiplient avec une étonnante rapidité, l’échelle des variations de température oscille de — 15° centigrades à + 45°, à l’ombre bien entendu. De tels rapprochemens sont bien propres à faire apprécier une nature dont le charme puissant rappelle toujours vers l’Algérie le cœur de ceux qui y ont une fois vécu. Les nuits y brillent d’une incomparable magnificence, et l’on peut jouir de leurs calmes harmonies pendant de longues heures sans aucune impression de froid. Les journées d’hiver sont si tièdes, les soirées d’été ventilées par de si fraîches brises, que l’Europe et la France même paraissent longtemps inhabitables à qui s’est tant soit peu habitué à ce doux climat. Ainsi commencent du reste à le penser non-seulement les malades, mais les nombreux étrangers bien portons qui, depuis quelques années, se rendent en Algérie. Ils n’entendent y passer que l’hiver ; beaucoup y restent l’été, quelques-uns y enchaînent leur vie entière.

La distribution des eaux pluviales, toute différente de ce qu’elle est en Europe, a été une autre cause d’erreurs pour l’agriculture. Tandis qu’en Europe l’humidité du sol est en excès, et que le souci principal est de s’en débarrasser, elle n’est jamais importune dans une contrée où elle mesure la prospérité. Les peuples du midi le savent, et ne se plaignent jamais que les cataractes du ciel s’ouvrent trop libéralement, tandis que les hommes du nord de l’Europe, ne pouvant refaire leurs idées et leurs pratiques, se lamentent ou se croisent les bras à regarder tomber les averses et couler les torrens, sans songer à élever des barrages, à creuser des réservoirs dans