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à l’Afrique, un nom qui évoque infailliblement l’image de déserts aux sables brûlans, patrie des lions, des tigres et de toutes les bêtes féroces de la création : premier préjugé, car l’Algérie n’a rien d’africain. Par sa latitude, qui dépasse à peine de quelques degrés au sud celle de l’Espagne et de l’Italie méridionales, comme par ses formations géologiques et sa constitution météorologique, elle appartient à l’Europe, qu’elle rejoint par des ramifications sous-marines, dont les Baléares, la Sardaigne, la Corse, la Sicile, émergeant du sein de la Méditerranée, sont les cimes culminantes. Entre ces îles et l’Algérie, la mer est un lien, tandis qu’entre l’Algérie et l’Afrique intérieure le désert est une barrière. Dans le public lettré, les mêmes préventions ont été entretenues par quelques médecins de France, qui s’obstinent à décrier le climat algérien comme mortel pour la race indo-germanique. Sans combattre hors de propos une telle opinion par des chiffres et des faits, on peut leur opposer le sentiment unanime des habitans européens, dont l’autorité pratique vaut bien les études de cabinet. Les colons ne croient pas à cette incompatibilité que dément le spectacle quotidien qu’ils ont sous les yeux; ils se moqueraient de l’écrivain qui voudrait leur persuader qu’ils ne peuvent vivre et travailler sous de tels cieux. En des questions de cet ordre, il y a comme un sens intime des populations bien supérieur à la science théorique, dont les erreurs du reste ont été victorieusement réfutées par les médecins de la colonie.

Les fièvres intermittentes d’Afrique sont pourtant une douloureuse réalité en Algérie, et la mortalité des Européens y est un peu plus forte que dans les pays mêmes d’où viennent les émigrans. Pour les fièvres, d’une voix unanime, la presque totalité d’entre elles est expliquée par des circonstances locales bien connues : les défrichemens d’un sol vierge, les mouvemens de terres lors de la fondation des villages, surtout les eaux stagnantes en flaques et en marécages, causes toutes accidentelles. On ne peut imputer au climat qu’une seule influence vraiment funeste : c’est la brusque transition des chaleurs du jour aux fraîcheurs de la nuit, première épreuve d’acclimatation qui nécessite quelques précautions hygiéniques. A l’oubli de ces précautions doit s’attribuer pour une bonne part la mortalité un peu plus grande qui se constate en Algérie; l’autre part revient à l’abus des boissons et des plaisirs, la sobriété, partout utile, étant indispensable dans les régions chaudes. A voir la misère, l’ignorance et l’insouciance de la plupart des émigrans, l’on s’étonne plutôt qu’il n’en périsse pas davantage.

Sous le rapport agricole, le climat algérien est plus facile encore à justifier. Il a été méconnu par les cultivateurs et les agronomes du nord de la France, un peu rebelles à l’intelligence de cette