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ment : ce qui se passe en Italie a tous les caractères d’un mouvement national. Déjà, depuis quelque temps, des manifestations importantes, des écrits acclamés par la foule annonçaient que toutes les parties de l’Italie concouraient à l’agitation pour la délivrance, dont le Piémont était le foyer. Nous avons déjà parlé de quelques-unes de ces brochures éloquentes, du discorso de M. Salvagnoli, de Toscona e Austria, par lesquelles les libéraux de la Toscane donnaient la main à la politique piémontaise. Le marquis Gualterio, l’auteur des Rivolgimenti Italiani, dans une lettre adressée tout récemment à M. de Cavour sur gli interrenti dell’ Austria nello Stato Romano, vient de prendre la parole avec autant de chaleur que d’autorité pour mêler la voix des Romains à ce concert de l’Italie autour de la cour de Turin. Une expression plus significative de ce mouvement, c’est ce flot de volontaires qui accourt en Piémont, et qui apporte chaque jour dans ce pays, de toutes les parties de l’Italie, un millier d’hommes. Enfin les événemens de la Toscane et des duchés ne montrent pas seulement la ruine du régime qui pesait sur l’Italie ; ils indiquent la direction politique du mouvement, qui jusqu’à présent est tout unitaire, et cherche dans le roi Victor-Emmanuel sa personnification. Ainsi l’entraînement qui prépare la guerre semble en même temps préparer l’organisation politique à laquelle aspire l’Italie. Il ne faut pas s’y tromper, cette aspiration, au moment où nous sommes, est évidemment l’unité. L’on nous écrit que des Siciliens même offrent la couronne au roi Victor-Emmanuel. Les idées de fédération, qui furent un instant si populaires en 1848, sont maintenant bien dépassées. Nous avons sous les yeux des lettres intéressantes écrites par des chefs influens du mouvement : le fédéralisme de Gioberti y est traité de radotage doctrinaire, et peu s’en faut qu’on n’en parle comme on faisait chez nous du temps de la convention, où l’accusation de fédéralisme fut employée d’une façon si injuste et si cruelle contre les girondins. Nous signalons cette tendance, et nous ne voulons point la discuter pour le moment ; nous constaterons seulement qu’au point de vue d’une guerre d’indépendance, la tendance unitaire est une bonne inspiration du pati’iotisme italien. Au point de vue du patriotisme, l’Italie, ayant besoin du concours de la France, fera bien, nous le reconnaissons, d’atténuer la nécessité du secours étranger en amenant le plus d’Italiens qu’il se pourra sur le champ de bataille. Il est évident aussi que les efforts militaires des Italiens ne pourront avoir toute leur puissance qu’en se disciplinant autour du souverain italien qui arbore le drapeau de l’indépendance nationale. Si le mouvement pouvait s’accomplir partout comme à Florence, ce résultat serait obtenu de la façon la plus pratique. Les armées régulivères de chaque état se rallieraient au roi de Sardaigne, et l’on arriverait ainsi à composer une armée italienne très respectable. L’on en aura une idée par le chiffre qu’atteignent les divers effectifs des armées italiennes. D’après un état qui nous a été envoyé d’Italie, ils s’élèveraient à plus de 300,000 hommes. S’il était possible de ramasser ces diverses armées et de les réunir sous une seule main italienne, la cause de l’indépendance de l’Italie, quelles que fussent les éventualités de l’avenir, serait infailliblement gagnée, nous ne savons si, en travaillant à l’indépendance par le mouvement unitaire, on n’aura pas rendu l’unité seule possible lorsque l’entreprise sera achevée ; mais ce souci-là doit être