Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 21.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

amplement dès qu’ils sauraient que le gouvernement et le peuple français seraient disposés à répondre à leur appel. Il n’est guère possible de douter qu’une armée française efficace et puissante, aidée et soutenue d’une insurrection générale des Italiens, serait trop forte pour les troupes que l’Autriche pourrait lui opposer en Italie. Dans une telle hypothèse, il est probable que l’Autriche perdrait tout ce qu’elle possède en Italie jusqu’aux Alpes. » L’Autriche aurait pu en 1848, sans déshonneur et avec habileté, mettre à profit ce conseil prophétique de lord Palmerston. Elle aurait dû au moins, dans un esprit de sage prévoyance, se concilier les populations diverses qui forment son empire, en les associant au gouvernement par des institutions libérales. Une politique libérale était non-seulement possible à l’Autriche, elle était pour elle une garantie suprême de conservation. Il y a juste un an, un gentilhomme autrichien exposait dans la Revue les élémens et la nécessité d’une telle politique, et montrait dans l’établissement d’institutions représentatives la voie de salut de la monarchie[1]. Aucune bonne inspiration n’a été écoutée : l’Autriche, au lieu de se réformer, s’est abandonnée à l’ivresse des réactions qui ont succédé aux mouvemens révolutionnaires de 1848 ; elle a applaudi à tous les progrès de la cause de l’absolutisme en Europe ; elle a fait le concordat avec Rome. Lorsque sa bonne fortune lui permettait encore de se faire représenter en Lombardie par un prince aussi distingué et aussi aimable que l’archiduc Maximilien, elle annulait les desseins généreux du jeune vice-roi par les mesures aussi maladroites qu’oppressives du ministre de l’intérieur, M. Bach, démocrate d’avant 1848, lequel ressemble à tous ces convertis de l’absolutisme qui, se sauvant d’un excès dans l’excès contraire, ont un goût particulier pour la tyrannie, et ne manquent jamais de compromettre, de faire détester les pouvoirs qu’ils servent. C’est par ce chemin que la cour de Vienne est arrivée à la faute suprême d’une déclaration de guerre.

Grâce à la décision téméraire de l’Autriche, la situation dans laquelle nous entrons est, nous le répéterons, nette et facile pour la conscience de tout le monde en France. Nous avons devant nous un but dont les divergences d’opinion ne sauraient plus troubler la clarté : ce but, c’est le triomphe de la France. Nous n’entendons pas seulement par là les succès du champ de bataille : c’est l’affaire de notre armée, de notre démocratie militaire, qui fait avec tant d’abnégation de ses vertus et de ses sacrifices anonymes la gloire et la puissance de notre nation ; c’est l’affaire de ses chefs, et parmi ceux-ci surtout des généraux les plus jeunes, des Bourbaki, des Trochu, des Mac-Mahon, des Lamotterouge, des d’Autemarre, des de Failly, etc., qui nous ont donné le droit de tant attendre d’eux. Nous voulons parler encore et surtout du succès politique de la guerre, car toutes les victoires deviennent stériles quand ce succès échappe ou est compromis. Le succès de la guerre que nous allons commencer doit être l’indépendance et la liberté de l’Italie. Pour l’obtenir, des devoirs particuliers sont imposés à l’Italie et à la France.

Les Italiens peuvent assurément beaucoup pour l’indépendance de l’Italie. Les dernières nouvelles de Florence et des duchés le prouvent péremptoire-

  1. Voyez la livraison du 1er mai 1858, l’Autriche sous l’empereur François-Joseph.