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de la cornemuse jusqu’à perdre haleine, tout cela forme un ensemble d’incidens que le musicien a rendus avec une entente admirable des caractères qu’il fait vivre sous les yeux du public. Ce sont des effets complexes encastrés dans la situation qui les explique, et qui perdraient beaucoup de leur valeur à en être détachés. Ce n’est pas un duo proprement dit, c’est une scène piquante, où les caprices d’une folie aimable se combinent avec les frayeurs d’un poltron, et de ce contraste, qu’il affectionne, Meyerbeer fait jaillir d’heureux effets. Hoël, le fiancé de Dinorah, qui depuis un an est absent du pays, vient aussi dans la cabane du cornemuseux Corentin, croyant y trouver encore le vieil oncle qu’il a connu. L’air qu’il chante alors :

O puissante magie!


est fort beau, d’un grand caractère et tout à fait digne de l’auteur de Robert et des Huguenots, qui n’a pu résister à la tentation de montrer aux incrédules que le petit bonhomme vit encore, qu’il n’a rien perdu de sa vigueur première. L’allegro de ce bel air qui peut être chanté partout, ce qui prouve que c’est de la mélodie pure.

De l’or ! de l’or !


exprime bien l’ardeur de la convoitise, et lorsqu’il est ramené pour la seconde fois après le délicieux andante en ré bémol majeur :

Ces trésors, o ma fiancée!...


il produit un effet plus saisissant. M. Faure chante cet air et tout le rôle d’Hoël en véritable artiste. J’apprécie beaucoup moins le premier duo, ou plutôt la scène qui vient après entre Hoël et Corentin, lorsque le premier explique au pauvre cornemuseux tremblant comment il faudra s’y prendre pour aller déterrer le fameux trésor. Cela me semble d’un fantastique un peu forcé qui ne vaut pas ces jolis vers de Brizeux :

Lutins malicieux, ô follets de Bretagne,
Qui depuis deux mille ans jouez sur la montagne,
Assez rire la nuit des buveurs attardés!
Songez à vos pareils, nains, et vous défendez.


Mais le second duo qui suit, entre les mêmes personnages attablés devant une bouteille de vin qui aide à conclure le pacte, est plus franc et plus musical. Pendant que les deux nouveaux amis se disposent à partir, ils entendent le tintement d’une clochette qui annonce la chèvre que Dinorah poursuit en badinant. Il résulte de cette situation un trio pour soprano, ténor et baryton, trio remarquable, d’un bel effet, et qui termine on ne peut plus heureusement le premier acte.

Le second acte, plus musical que le premier, commence par un chœur d’un rhythme assez piquant. Ce sont des paysans attardés par quelques rasades de vin dont ils vantent le bouquet. Les femmes se joignent à eux bientôt pour se réjouir de la fête qui doit avoir lieu le lendemain :

Demain, c’est le jour du pardon,
Et dig din don, et dig din don !