Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 21.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la même. Le projet de loi fut retiré, et une note insérée au Moniteur du 10 octobre annonça que la levée des prohibitions était remise au mois de juillet 1861, mais elle faisait connaître aussi qu’après ce délai de cinq années l’intention bien arrêtée du gouvernement était d’en finir.

Cependant le gouvernement, pour venir en aide à la navigation nationale, qui périclite sous un régime aussi restrictif, avait décidé en 1855 que nos constructeurs de navires pourraient tirer de l’étranger en franchise de droits les matières premières dont ils pourraient avoir besoin. L’entrée des navires tout construits était autorisée en même temps sous un droit de 10 pour 100. L’essai devait durer trois ans, sauf à être prolongé. Ces encouragemens si légitimes ont déplu aux prohibitionistes : ils les ont dénoncés comme un attentat. Le décret d’octobre 1855 au sujet de la construction des navires et de la francisation des navires construits à l’étranger n’a pas été prorogé en 1858, quoiqu’il n’eût eu que de bons effets.

A côté de ces satisfactions, les prohibitionistes en ont obtenu d’autres. On sait qu’ils haïssent l’économie politique, parce que cette science enseigne que l’industrie n’acquiert toute sa force que dans l’atmosphère de la liberté, et que les privilèges conférés aux manufacturiers par le système prohibitif sont à la fois contraires au bon droit et à l’intérêt public. Après la mort de M. Blanqui, ils demandèrent que, dans la chaire d’économie industrielle qu’il occupait avec tant de distinction au Conservatoire des Arts et Métiers, il ne lui fût pas donné de successeur : la chaire a cessé d’exister. Il est vrai que depuis l’empereur lui-même, dans le discours par lequel il a ouvert la session législative de 1857, après la campagne entreprise par les prohibitionistes pour le maintien des prohibitions, a donné à l’économie politique un gage insigne de sa bienveillance. Après avoir fait allusion à cette agitation, l’empereur s’est exprimé en ces termes : « Le devoir des bons citoyens est de répandre partout les saines notions de l’économie politique. » Ce témoignage d’une haute sympathie ne demeurera point sans effet : il est à remarquer cependant que de bons citoyens de Montpellier ayant demandé à faire les frais d’un cours d’économie politique et ayant eu le soin non-seulement de soumettre à l’autorité compétente un programme irréprochable, mais encore de lui indiquer un professeur qui offrait toutes garanties, ils ont éprouvé un refus réitéré.

Veut-on savoir maintenant comment le parti prohibitioniste répond à tant de ménagemens? Au mépris de la transaction presque débonnaire par laquelle le gouvernement avait, en 1856, ajourné jusqu’en 1861 la levée des prohibitions, le parti a, depuis quelques