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accroissement énorme dans les pays producteurs où nous allons chercher du secours. Ainsi à Dantzig, en 1847, les blés débutent par un prix supérieur à 24 francs et montent jusqu’à 35 et 38 ; sur ce même marché, à partir du mois d’août 1853, on voit également les prix s’élever et rester hauts jusqu’au milieu de 1857. Parmi les cotes mensuelles, on en trouve, dans le cours de cette période, qui dépassent 30 et 31 francs. À New-York, où pareillement l’Europe alors va chercher une partie des blés des jeunes états, presque exclusivement agricoles, de l’ouest, qu’y versent le fameux canal Erié et le réseau des chemins de fer, c’est pis encore : en 1857, le prix y est monté jusqu’à 41 fr. 69 c. L’hectolitre. À Odessa, la hausse prend de moindres proportions ; toutefois en 1856 on y aperçoit des cotes supérieures à 25 francs, ce qui, eu égard à la médiocre qualité des grains de la contrée, ne laisse pas que d’être très cher et très incommode pour la population. En présence de ces faits, il y a pourtant une réflexion qui est bien naturelle : si les approvisionnemens que dans certains cas nous allons chercher à l’étranger, et qui nous sont indispensables, ont pour effet que les blés y montent à ce point, il faut nous résigner à ce que dans certains cas la demande semblable que l’étranger nous adressera produise quelque hausse sur nos grains. En équité, pouvons-nous demander secours à l’étranger sans consentir à lui donner quelque aide, ou, pour mieux dire, à la lui vendre à beaux deniers à notre tour dans certaines éventualités ? Je suppose que nous ayons chez nous, par rapport à l’exportation, l’échelle mobile, qui, lorsque les blés commenceront à enchérir, sera l’équivalent de la prohibition : que répondrions-nous à l’empereur de Russie, au congrès des États-Unis, au roi de Prusse, si dans les années de disette ils appliquaient à la sortie des céréales de leur territoire, par rapport au pavillon français nommément, notre propre système, qui consiste à susciter un droit de 2 francs (non compris le double décime) par chaque franc de hausse, à partir, soit de 19 francs, comme c’était dans la loi de 1832, soit même de 23 francs, ainsi que la proposition en a été faite ? Nous les accuserions d’inhumanité, et nous n’aurions pas tort ; mais ils nous renverraient le reproche en nous disant que, si les populations françaises n’aiment pas à voir sortir les blés quand ils cessent d’être à des prix bas ou moyens, les populations moscovites, prussiennes ou américaines ne l’aiment pas davantage, et ils seraient fondés à ajouter que c’est nous qui avons inventé toutes ces belles choses et qui avons donné l’exemple de les ressusciter quand généralement on les croyait mortes et enterrées.

Le mouvement que se donnent les prohibitionistes pour le rétablissement de l’échelle mobile à l’exportation est difficile à concilier