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n’en resplendira que plus brillante, une fois l’orage dissipé, et nous nous relèverons plus forts, plus maîtres que jamais. »

Pour premier gage donné à la confiance du général en chef, Hodson entreprit de rétablir les communications entre Kurnaul et Meerut, et de rapporter à Umballah les dépêches du général Wilson. On le connaissait si bien qu’on l’attendait à Meerut, où il arriva effectivement, après trente heures de voyage, avec son escorte de cavaliers sikhs. Le fait sembla merveilleux, et un des officiers qui l’ont raconté dans les correspondances publiées depuis compare Hodson aux héros des temps antiques. « C’est un Amadis de Gaule, c’est un Bavard, dit-il, et non pas un simple officier de notre époque. A l’admiration qu’il inspire, un seul sentiment peut faire contre-poids : c’est la jalousie. » La jalousie se tait dans les circonstances critiques où les hommes de valeur s’imposent sans le vouloir, en vertu de la nécessité même qui force de recourir à eux. Toujours simple lieutenant d’infanterie, Hodson était à la tête d’un corps de cavalerie irrégulière qui prenait son nom, et qui l’a gardé. Ce qu’on appelle en anglais l’intelligence department, — en bon français la direction de l’espionnage, — lui était exclusivement confiée. Admis au conseil de guerre, appelé à fournir non-seulement des renseignemens, mais des idées, des plans d’attaque, il y était écouté à l’égal des vieux généraux. Peu s’en fallut, une fois arrivé devant Delhi, qu’une de ses audacieuses inspirations, adoptée par le général Barnard, ne fît donner l’assaut dès les premiers jours de juin 1857. « On sait, dit Hodson à ce propos, que je conseille volontiers des coups de vigueur; mais on sait aussi que je n’engage à faire que ce que je suis tout le premier disposé à risquer... Delhi est une place très forte,….. qui veut être enlevée par un coup de main, et cela tout de suite, sans quoi nous passerons encore bien des semaines devant ses murs... » Le plan, mûri avec soin, devait être exécuté. n n’échoua, selon Hodson, que « par la couardise et la désobéissance positive de...[1], l’homme qui le premier a été la cause de la perte de Delhi, et qui maintenant empêche de le reprendre. »

Quand les Anglais, entrés dans Delhi, se trouvèrent, après quatre jours de combat, maîtres du palais de l’empereur, Hodson et ses cavaliers, immobiles pendant l’assaut, sans emploi dans les affaires de rue qui l’avaient suivi, demandaient qu’on les lançât à la poursuite de l’ennemi fugitif. On les dépêcha dans la direction du Kootub, c’est-à-dire au midi de la cité, avec défense expresse de se risquer à portée du feu. Ils gravirent en conséquence une petite colline, d’où ils avaient en vue le camp des insurgés sortis de Delhi et restés sous les ordres de Buckt-Khan. Hodson, qui les examinait

  1. Nom laissé en blanc dans le texte anglais.