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tête d’un des régimens du Pendjab. Or c’était là une grande tentation pour un homme que la guerre attirait. « Le rang, les distinctions militaires ont plus de charmes pour moi que toutes les roupies du monde, dit-il dans son style énergique. J’aime mieux m’ouvrir avec l’épée la route qui mène à une pauvreté glorieuse que creuser avec la plume celle qui conduit à l’opulence. A mes yeux, continue-t-il, former, dresser, entraîner des soldats (to train, le mot des jockeys disciplinant leurs chevaux) est un travail d’un attrait tout particulier. J’aime passionnément cette influence supérieure qu’on acquiert sur leurs âmes, autant par l’ascendant de la volonté individuelle que par celui de la discipline, et en vertu de laquelle vous pouvez, quand bon vous semble, les mener à la mort. J’ai ressenti l’enivrement enthousiaste de ce pouvoir, exercé avec succès sur les guides que je commandais pendant la dernière guerre, et à présent que ma force m’a été révélée, j’en cherche naturellement l’emploi dans les chances de l’avenir. »

Il fallut, pour le moment, renoncer à ces visées belliqueuses. Un avancement rapide retint Hodson dans les cadres de l’administration civile. On l’avait nommé personal assistant du commissaire pour les états en-deçà du Sutledge (Cis-Sutlej-States). A peine installé à Kussowlee (mars 1851), ses lettres expriment une vive satisfaction. Son supérieur hiérarchique, M. Edmonstone, est un homme de premier ordre. Il a un immense appétit d’activité, et la besogne ne leur manquera point, à son acolyte et à lui, car ils ont sous leur sceptre, — et c’est bien le mot, — outre cinq districts anglais, neuf états souverains, c’est-à-dire nominalement indépendans, mais placés sous l’influence britannique. Depuis des années, le pays est livré à l’anarchie; les dispositions du populaire y sont des moins conciliantes; bref, il y a beaucoup à faire, beaucoup à risquer, beaucoup de travail, beaucoup de responsabilité. Que demander de mieux, s’il vous plaît?

Le ton joyeux des lettres écrites par Hodson à cette époque s’explique d’ailleurs par des espérances d’un autre ordre. Il aimait, il était payé de retour. Dès les premiers jours de janvier 1852, il épousait à Calcutta la fille d’un capitaine de vaisseau, la veuve d’un gentleman du comté de Hauts. La guerre des Birmans, qui allait éclater, menaçait de troubler leur lune de miel, car le régiment de Hodson (First Bengal European Fusiliers) était désigné pour cette campagne, et il s’attendait à être rappelé au corps; mais l’expédition ne parut pas assez importante pour qu’on eût recours aux mesures extrêmes. En revanche, le commandement du corps des guides venant quelques mois plus tard à vaquer, le gouverneur-général l’offrit à Hodson, qui ne laissa pas échapper cette occasion de reprendre le harnais. Une pareille mission, après sept ans de