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mie. Ce n’était qu’un jeu pour le brillant écolier, dont les exploits en ce genre inquiétaient sérieusement le docteur Arnold, et lui faisaient redouter pour son élève quelque maladie de cœur. À ces prouesses du corps se joignaient certains dons de l’intelligence que nulle éducation ne remplace, entre autres celui d’une énergique volonté qui s’assure partout la prépondérance, et s’impose naturellement, sans conteste, sans tyrannie. Le docteur Arnold l’avait remarqué. A Hodson, plus volontiers qu’à tout autre, il déléguait les délicates attributions du prœpostor, de l’élève appelé à suppléer le maître, à servir d’intermédiaire entre son supérieur et ses camarades. Et Hodson, toujours obéi, restait toujours populaire, parce qu’il se montrait toujours judicieux, modéré, sans partialité, sans orgueil, protecteur des faibles, intrépide devant les forts, sur de lui-même et de son prestige souvent éprouvé. En 1840, il passa de l’école de Rugby à l’université de Cambridge, et les joutes à la rame y comptèrent un champion de plus. Un goût assez vif le portait d’ailleurs aux études classiques; mais un accident de son organisation physique l’empêchait de s’y livrer. Toute application suivie aux travaux de cabinet causait d’intolérables douleurs de tête à cet athlète infatigable, dont la vocation se marquait de plus en plus. Son parti fut pris de bonne heure : il voulait servir, et servir dans l’Inde, comme tous les jeunes ambitieux qui sentent leurs forces naissantes. En attendant la cadetship, qu’il espérait obtenir des directeurs de la défunte compagnie, et afin de ne pas laisser courir à son détriment les années qui auraient pu le rendre inadmissible, il s’engagea dans la milice de la petite île de Guernesey. Ce fut là que se fit son apprentissage de soldat, sous les yeux du major-général W. Napier, lieutenant-gouverneur de cette annexe au royaume-uni. Quand, après bien peu de temps, il passa au service de la compagnie, ce militaire éminent avait déjà deviné la valeur de Hodson. « Je crois, écrivait-il, que ce jeune homme sera une précieuse acquisition pour n’importe quel service. »

Débarqué à Calcutta le 13 septembre 1845, et, peu de semaines après, incorporé dans le 2e régiment de grenadiers, Hodson partait d’Agra le 2 novembre avec le gouverneur-général, qui allait prendre à Umballah le commandement des forces rassemblées contre les Sikhs. Il n’y avait pas, on le voit, grand temps de perdu; aussi les lettres du jeune officier respirent-elles la joie la plus sincère. On l’y voit enivré de « cet orgueil, de cette pompe qui font la guerre glorieuse, » pour parler comme-Othello. « Jamais, dit-il, jamais je n’ai vu spectacle aussi splendide que celui de ces douze mille hommes de belles troupes rangées sur une seule ligne pour faire accueil au gouverneur-général. » Cette variété de costumes, ces uniformes étranges, ces races d’hommes si diverses, et dont les types sont si marqués,