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Suisse, de l’Angleterre, des États-Unis, de l’Amérique du Sud. Nous prohibons les mérinos, et nous en avons vendu au dehors 987,000 kilogrammes, valant 26 millions, et c’est l’Angleterre qui nous en a pris les plus fortes quantités. Nous prohibons les étoffes de laine mélangée, et nous en avons expédié pour une valeur de Zi8 millions aux États-Unis, en Belgique, en Angleterre, etc. Il en est à peu près de même pour les tissus de coton, surtout pour les tissus imprimés, pour les peaux ouvrées, etc. Comment concilier ces exportations avec l’opinion si obstinément émise au nom des fabricans, que l’industrie française serait inévitablement écrasée par la concurrence étrangère ? Comment supposer que les draps français lutteraient moins aisément en France, sur leur propre marché, contre les draps de l’Allemagne, de l’Angleterre, etc., qu’ils ne le font sur les marchés lointains, où ils se vendent avec profit ? Il serait fastidieux de multiplier les chiffres, mais nous pouvons affirmer que toutes les pages du document statistique publié par l’administration des douanes protestent éloquemment contre le maintien des prohibitions. Ce n’est pas à dire qu’il convienne de livrer l’industrie nationale brusquement, sans protection, à la merci de la concurrence anglaise. On n’y a jamais songé, au moins dans les régions administratives. À la prohibition seraient substitués des tarifs de douanes calculés de manière à sauvegarder l’intérêt manufacturier. Ces tarifs, lors même qu’ils seraient très élevés, n’opposeraient point aux échanges un obstacle infranchissable ; modérés peu à peu selon les circonstances et d’après les principes d’un système de protection bien entendu, ils ramèneraient notre commerce extérieur à une situation régulière.

L’administration consacre, dans ses statistiques, plusieurs tableaux au commerce des céréales et au mouvement du numéraire. À la suite de la période de disette que nous avons traversée de 1853 à 1857, l’attention du gouvernement et des économistes a été naturellement appelée sur la législation qui règle le commerce des céréales. Les fortes importations d’or correspondant à une exportation considérable d’argent ont de même excité une vive sollicitude au sujet de notre régime monétaire. Il n’est donc pas sans intérêt de résumer sur ces deux points les renseignemens statistiques qui peuvent éclairer les décisions.

En 1853, parut une brochure sous ce titre : Mémoire sur la période de disette qui menace la France. Après avoir compulsé les chiffres d’importation et d’exportation du froment depuis 1816, l’auteur, M. A. Hugo, arrivait par l’observation à la découverte d’une sorte de loi providentielle qu’il formulait ainsi : « Les années de disette succèdent régulièrement aux années d’abondance par périodes de plusieurs années. On ne voit pas les bonnes années alterner une à une avec les mauvaises. L’abondance et la disette n’alternent entre elles que par périodes de cinq à six ans au plus. » M. A. Hugo comptait, de 1816 à 1852, sept périodes : trois de disette, trois d’abondance, et une période mixte. Dès le mois de mai 1853, et après une période