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espagnoles, la Toscane, etc. Sans entrer dans les détails, on peut remarquer la part considérable pour laquelle figurent, dans la statistique de nos échanges, les contrées qui sont à nos frontières, Angleterre, Belgique, Espagne, Piémont, Suisse, états du Zollverein, etc. — Cela tient non-seulement à l’activité fort naturelle des relations établies entre pays voisins, mais encore à une inexactitude de statistique sur laquelle il n’est pas inutile d’appeler l’attention. La douane, pour constater la provenance ou la destination des marchandises importées ou exportées, ne tient compte en général que du territoire étranger d’où arrivent en dernier lieu ou vers lequel se dirigent d’abord ces marchandises. Ainsi tout produit qui nous vient d’un port anglais est inscrit à la statistique de l’importation d’Angleterre en France, lors même qu’il serait originaire d’un autre pays, et tout produit français qui s’expédie par la frontière du Piémont est inscrit à la statistique de l’exportation de France pour les états sardes, lors même qu’il aurait pour destination définitive une province autrichienne. Un seul exemple fera ressortir la gravité des méprises dans lesquelles on peut ainsi tomber. Les importations de l’Angleterre en France comprennent depuis quelques années une quantité considérable de soies; en 1856, la valeur de ces introductions a dépassé 78 millions de francs! Personne cependant n’a entendu parler jusqu’ici des magnaneries britanniques, et malgré son énergie agricole et industrielle, malgré l’abondance de ses capitaux, l’Angleterre au ciel brumeux n’aura jamais sans doute la prétention de disputer aux régions du midi l’éducation des vers à soie. D’où viennent donc ces cargaisons qui représentent plus du dixième de l’importation d’Angleterre en France? De partout ailleurs que de l’Angleterre, de la Chine en grande partie. Si, d’un autre côté, nous recherchons quelle est, d’après la statistique, l’importance de notre commerce avec la Chine, nous trouvons un chiffre de 3 ou 4 millions de francs. Les soies de Chine, débarquées à Suez par les paquebots de la compagnie péninsulaire, réembarquées à Alexandrie sur les steamers de la même compagnie, arrivent à Southampton, d’où elles sont expédiées vers nos ports ; elles perdent en route leur nationalité. De même, les marchandises que la France envoie en Chine passent en partie par l’Angleterre, et dès lors elles figurent au compte de nos échanges avec la Grande-Bretagne.

Ces résultats de la statistique peuvent être très dangereux : ils grossissent dans des proportions tout à fait factices l’intérêt de nos rapports commerciaux avec certaines contrées; ils atténuent et même dissimulent complètement la valeur des transactions, parfois très avantageuses, que nous engageons avec d’autres pays. A un moment donné, ils risqueraient ainsi de tromper le public sur la portée des actes les plus graves. — A quoi ont servi, disait-on à la monarchie de juillet, vos missions et vos consulats en Chine? A quoi bon, objectent aujourd’hui les mêmes opposans, cette campagne contre le Céleste-Empire, cette escadre envoyée à l’autre bout du monde, ces lourdes dépenses d’argent et d’hommes? Tout cela profite à nos alliés les Anglais, et pas à nous. Ouvrez les Tableaux de Douanes, document offi-