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d’une manière durable. Il pourra arriver, il arrive déjà que cette liberté se trouve suspendue dans la plus grande partie des pays qu’elle a occupée ; mais l’expérience d’un passé bien récent nous apprend à quoi servent des suspensions semblables….. Après qu’elles auront cessé, on en viendra aux fausses applications du principe de liberté, à des impostures ; mais ici encore, ici plus que jamais, nous nous sentons réconfortés par de grands exemples[1]….. Et si quelque part, en Italie, on recourait, non pas même à une représentation mensongère, mais à de nouveaux essais de gouvernemens consultatifs, nous rappellerions, non-seulement les événemens qui précédèrent de peu 1848, mais encore ceux du XVIIe et du XVIIIe siècle, qui tous prouvent la vanité, l’inefficacité d’un pareil terme moyen à empêcher les révolutions représentatives, la vanité, l’inefficacité de cette politique qui se dit pratique, mais qui n’est en réalité qu’égoïste, empirique, viagère, malavisée et immorale. »


Celui qui parle ainsi est certes un libéral irréprochable. Maintenant, si nous parvenons à démontrer que la théorie de Balbo a toujours fait reposer sur les bases réelles de la liberté et du travail le sort de l’Italie, même quand il lui donnait pour époux mystique un pape de fantaisie, si nous établissons ainsi l’unité de conviction qui a dominé sa vie intellectuelle, nous aurons achevé notre tâche. Or cette unité ressort de quelques ouvrages posthumes écrits par César Balbo avant 1848 et publiés par M. Prosper Balbo après la mort de son père. Tels sont entre autres les Pensieri sulla storia d’Italia et les Pensieri ed esempi, auxquels il faut ajouter les Meditazioni storiche, publiées à Turin en 1842 et rééditées à Florence avec des additions en 1854. Il y a là quelques vues, quelques considérations sur les faits présens qui ne sont pas moins utiles à connaître que les songes des Speranze. À côté des brillantes utopies du catholique romain, il est bon d’examiner les remarques positives de l’observateur ; celles-ci achèvent de prouver l’inanité de celles-là.

D’après Balbo, la grande tâche des nations est la diffusion du christianisme. Non-seulement les nations chrétiennes seules sont admises au grand concours de la primatie universelle, mais encore la prospérité les accompagne ou les abandonne suivant qu’elles restent ou non fidèles à leur devoir de propagande. La France à ce point de vue exerce peu d’influence lointaine ; elle inspire parfois le reste de l’Europe, mais c’est toujours le reste de l’Europe qui inspire le monde ; son histoire est surtout intérieure. Elle peut prétendre à diriger le catholicisme[2], mais la primatie de la chrétienté

  1. « Ci confortano, » ajoute-t-il, « gli esempi, quello grandissimo sopra futti della impostura napoleonica, di quella libertà rappresentativa cosi ben ordinata da lui ad impostura, ma fatta reale dopo di lui, od anzi lui vivente e presente. »
  2. Nous avons cité, dans la Revue du 1er janvier 1859, quelques lignes où Balbo paraît appeler la France à prendre à Rome la place occupée par l’esprit autrichien.