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rique au centre de l’Europe. Alors que nous étions arriérés pour la construction des chemins de fer, les ports de l’Angleterre, du nord de l’Allemagne, de la Hollande, de la Belgique, du Piémont, ont pu nous enlever une portion notable du transit qui nous appartient. Cette sorte d’usurpation doit désormais cesser; il ne lui restera même plus de prétexte, lorsque les paquebots transatlantiques, partant du Havre, de Bordeaux, de Marseille, donneront à la France, pour les échanges entre les deux mondes, tous les avantages de la voie la plus directe. Nous ne pourrions nous en prendre qu’à nous-mêmes, si les profits toujours croissans de ce transit nous échappaient. L’administration des douanes, qui, depuis la jonction de nos chemins de fer avec ceux des pays limitrophes, a déjà simplifié beaucoup de formalités, se montrera sans aucun doute disposée à adopter toutes les mesures qui seront de nature à garantir la promptitude et la régularité des transports. De leur côté, nos compagnies de chemins de fer sont très intéressées à multiplier leurs correspondances au-delà des frontières, et à combiner leurs tarifs de telle façon qu’aucune autre voie européenne ne soit plus économique que la nôtre. Ici, je le sais, se présente une difficulté qui se rattache à la grave question des tarifs différentiels de chemins de fer, question qui a si vivement ému l’industrie, et qui a excité ajuste titre la sollicitude de l’autorité publique. « Comment, disent les fabricans français, nous serions exposés à voir circuler sous nos yeux et filer à toute vapeur vers l’Amérique des produits allemands qui, en vertu des tarifs internationaux, seraient transportés à plus bas prix que ne le sont, en vertu des tarifs ordinaires, nos propres produits! Nous verrions également les balles de coton des États-Unis débarquées au Havre payer moins cher pour être transportées en Allemagne ou en Suisse que pour être déposées à Mulhouse? Nos chemins de fer, construits avec nos capitaux, subventionnés par l’état, armés d’un monopole, ne serviraient qu’à favoriser à notre détriment la concurrence étrangère, en lui fournissant les moyens de se procurer les matières premières, ou d’expédier ses produits moins chèrement que ne pourrait le faire l’industrie française! Une compagnie de chemins de fer se trouverait ainsi en mesure de neutraliser l’effet de la législation douanière, de supprimer la protection garantie au travail national, de protéger au contraire le travail étranger! Ce serait en vérité le renversement de l’équité et du bon sens ! » Il est clair que, si l’on pose ainsi la question, les tarifs internationaux à prix réduits ne sauraient être un seul instant tolérés; mais ce n’est pas à ce point de vue que les tarifs spéciaux de transit veulent être examinés. Si le prix auquel les chemins de fer, les fleuves, les canaux étrangers, transportent d’Anvers, par exemple, au centre de l’Allemagne, et vice versa, les matières premières et les produits fabriqués, est inférieur au prix payé aux chemins de fer français pour les transports entre l’Allemagne et la mer, quel intérêt notre industrie peut-elle avoir à ce que nos chemins de fer n’abaissent pas leurs tarifs en vue d’attirer ce transit allemand? dans l’hypothèse que nous indiquons, et qui malheureusement se vérifie sur beaucoup de points, l’industrie allemande