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par terre 28 pour 100 dans l’ensemble. Les transports maritimes se sont partagés entre le pavillon français pour à6 pour 100, et le pavillon étranger pour o4 pour 100. Il ne faut pas perdre de vue que diverses branches de la navigation sont réservées par la loi au pavillon national. Dans les rapports avec les colonies et dans les mouvemens de la pêche, les navires étrangers ne sont pas admis. Si l’on n’examine que la navigation de concurrence, c’est-à-dire celle à laquelle prennent part les bâtimens étrangers comme les bâtimens français pour les transports du commerce extérieur, l’infériorité de notre pavillon en regard du pavillon étranger devient beaucoup plus manifeste. C’est un fait déjà ancien, il a été souvent constaté sans qu’il ait été possible jusqu’ici de le modifier. Les protectionistes s’en emparent pour démontrer que la marine n’est point suffisamment protégée; les partisans de la liberté commerciale assurent au contraire que toute protection spéciale pour la marine serait superflue, si les armateurs avaient la faculté d’acheter leurs navires à l’étranger, si les matières employées aux constructions navales étaient exemptes de droit, si, par l’abaissement général des tarifs de douanes sur les marchandises, on multipliait les élémens de transports, enfin si les règlemens de l’inscription maritime étaient moins rigoureux. On voit que la question est fort compliquée et des plus difficiles à résoudre. Du reste, bien que le rôle de la navigation étrangère continue à s’accroître, la navigation française ne demeure pas stationnaire. Le tonnage moyen annuel des marchandises qu’elle a chargées s’est élevé à plus de 2 millions de tonneaux pendant la période de 1847-1856; il n’avait pas atteint 1,200,000 pendant la période précédente, 1837-1846. On peut également se rendre compte des progrès de notre marine marchande en consultant les tableaux de l’effectif. Le tonnage total des navires français n’était au 1er janvier 1847 que de 633,000 tonneaux; il a été porté, au 31 décembre 1856, à 1 million. L’augmentation s’applique particulièrement aux navires d’un fort tonnage ; depuis 1853, la construction des bâtimens jaugeant plus de 500 tonneaux a pris un grand développement, et atteste de notables progrès dans le travail de nos chantiers. Il n’y a pas longtemps encore, un navire français de 6 à 600 tonneaux était une curiosité; nous n’avions qu’une miniature de marine marchande, et nos petits trois-mâts faisaient triste figure dans les ports étrangers, où ils se trouvaient bord à bord avec les gros navires anglais ou américains. Aujourd’hui, quoique nous soyons encore loin d’égaler nos rivaux, nous pouvons montrer un nombre assez considérable de beaux navires sortis de nos chantiers qui, pour la solidité et l’élégance des constructions, ne le cèdent à ceux d’aucun autre pays. Cette transformation de notre matériel maritime est d’ailleurs commandée par des nécessités de concurrence, si nous voulons nous livrer sérieusement à la navigation au long cours. Ce n’est point par l’effet d’une vaine ostentation que partout, pour la marine à voiles comme pour la marine à vapeur, les armateurs ont été amenés à agrandir progressivement les proportions de leurs navires, et à lancer dans