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veilleuse du crédit. A nulle autre époque peut-être, la France n’a tant vécu. Tour à tour défaillante et relevée au plus haut de sa fortune, elle offre, dans le tableau de ces dix années, les plus étranges contrastes d’ombre et de lumière, de douloureux malaise et d’éclatante prospérité. L’histoire aura fort à faire quand il lui sera donné de juger cette période si courte et si pleine. Sur beaucoup de points, elle consultera utilement les statistiques de la douane. N’est-ce point là que se fixent, gravées en chiffres, les alternatives de la vie commerciale? Nous pouvons préparer cette étude modeste en recueillant dans les deux volumes officiels les renseignemens qui expriment avec une suffisante exactitude la situation matérielle du pays. A un autre point de vue, ce travail pourra n’être point stérile. Les discussions auxquelles se livrent, au sujet des tarifs de douane, les partisans des divers systèmes économiques ne perdraient rien à s’éclairer parfois à la lumière des faits. Il ne faut pas trop se fier à l’éloquence passionnée des doctrines. Dans la lutte qui s’est engagée si ardemment depuis quelques années entre les drapeaux du libre échange et de la protection, les chiffres honnêtement alignés ont une valeur qui ne saurait être contestée. Ils ne s’émeuvent pas, ils ne s’élancent point aveuglément à la conquête d’un principe ; ils demeurent immobiles sur le terrain de la saine pratique et de la vérité, et ils cherchent à y retenir les combattans. On trouvera donc peut-être quelque profit à reposer son imagination dans les calmes domaines de la statistique.

Les chiffres en valeurs actuelles de la période décennale 1847-1856 (importations et exportations réunies)[1] attestent dans le commerce extérieur de la France une progression rapide et à peu près régulière. Il y a eu, comme on devait s’y attendre, un ralentissement et un temps d’arrêt en 1848, année de révolution, et en 1854, année de guerre. Il convient même, pour plusieurs années, telles que 1847, 1855 et 1856, de ne point accepter sans réserve l’augmentation des chiffres qui expriment la valeur des échanges, car dans ces chiffres figure pour une part assez forte l’importation des céréales que nous avons dû demander à l’étranger afin de combler le déficit de nos récoltes, importation anormale qui ne saurait être invoquée comme un indice de prospérité. Quoi qu’il en soit, les documens officiels révèlent un progrès notable du commerce extérieur de la France pendant la période décennale. De 1847 à 1856, la valeur des échanges a plus que doublé.

  1. Commerce général Commerce spécial
    1847 2,340 millions. 1,676 millions.
    1848 1,645 — 1,164 —
    1849 2,291 — 1,662 —
    1850 2,555 — 1,859 —
    1851 2,614 — 1,923 —
    1852 3,072 — 2,246 —
    1853 3,749 — 2,738 —
    1854 3,758 — 2,705 —
    1855 4,327 — 3,152 —
    1856 5,399 — 3,883 —