Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/975

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de leur indépendance, et deviendra immédiatement une cause de faiblesse pour l’Autriche, ainsi que le disait le comte Brusasco il y a plus de trente ans. C’est ce qui fait que l’Autriche voit dans le libéralisme un ennemi, daignant de l’admettre dans ses possessions, elle s’efforce de le bannir de tous les autres états de l’Italie, et là où il existe sans son aveu, elle le signale comme un élément de perturbation. Sous ce rapport, la question italienne, telle qu’elle apparaît aujourd’hui, n’est point un fait essentiellement nouveau. Qu’on ne s’y trompe pas : lorsqu’en 1846 et 1847 la pensée libérale éclatait au-delà des Alpes, entraînant les peuples et les princes eux-mêmes, ce mouvement n’eût point tardé à créer une situation peu différente de celle qui vient de se dévoiler tout à coup ; seulement à cette époque presque tous les états de l’Italie cédaient à ce grand et merveilleux élan de liberté. Après 1848 et depuis dix ans, le royaume piémontais est resté seul avec ses institutions nouvelles, tandis que le reste de la péninsule retombait dans les conditions anciennes. Turin est devenu l’unique lieu de refuge du libéralisme indépendant de l’Italie. De là vient aussi que la lutte s’est concentrée entre le Piémont et l’Autriche pour aboutir presque fatalement à une situation qui n’est point la guerre peut-être, mais qui n’est point absolument la paix, et cela même ne prouve-t-il pas ce qu’il y a de laborieux et de perpétuellement périlleux pour tout état italien dans une politique de libérale indépendance? Il est certain que, si le statut avait disparu à Turin, si la tribune était muette, si la presse était sagement contenue comme à Milan, si le Piémont en un mot eût exécuté le programme que semblait lui tracer M. de Buol, la question italienne ferait peut-être moins de bruit aujourd’hui; le silence régnerait au-delà des Alpes. Seulement le Piémont serait une autre Toscane ou un autre duché de Modène, et il y aurait en Italie un état de plus au sujet duquel on pourrait se demander si c’est là réellement l’indépendance reconnue par les traités.

Là est la question, la vraie question, et elle n’est point ailleurs. Elle ressort de cet ensemble de choses. Le nœud des affaires de l’Italie est dans cette incompatibilité qui a semblé exister jusqu’ici entre la politique impériale et l’indépendance réelle des autres états de la péninsule, dans le travail incessant de l’influence autrichienne pour prédominer sur les intérêts naturels de ces contrées. Et cela est si vrai, que l’action de l’Autriche se fait sentir jusque dans les rapports des états italiens entre eux. Je ne sais si l’on se souvient encore qu’il y a quelques années il s’élevait une sorte de nuage diplomatique entre la cour de Turin et la Toscane. C’était au sujet d’un jeune attaché d’ambassade récemment arrivé à Florence. Le gouvernement du grand-duc s’était montré au premier instant prêt