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d’un nom honoré, » dit M. Farini : c’est M. Gaëtano Ungarelli. Ce jeune homme, alors étudiant, fut arrêté, par les ordres du général autrichien, avec sept autres personnes également accusées de conspiration. On l’examina, on l’interrogea sur ses complices, sur les matières d’état, sur la politique; il répondit qu’à vingt ans il ne pouvait avoir une longue vie politique, et qu’il n’avait rien à se reprocher. On chercha alors à l’émouvoir en lui parlant de ses vieux parens, qui étaient allés se jeter supplians aux pieds du général; on le menaça d’employer tous les moyens pour le faire parler : le jeune homme se tut. Bientôt de la menace on passa aux effets, et Ungarelli fut mis en présence de l’appareil de la flagellation; il demanda qu’on lui épargnât cette peine humiliante; il lui fut répondu qu’il n’avait qu’à parler ou à se préparer. Pendant deux heures, il subit le supplice du fouet, qu’on interrompait de temps à autre. Les instructeurs de ce singulier procès se ravisèrent cependant; ils revinrent à plus de douceur. On circonvint le malheureux prisonnier pour lui arracher quelque aveu, on lui demanda comment il voulait être interrogé. — Humainement, — répondit-il. Et comme en fin de compte il continuait à garder le silence, il fut soumis à une flagellation nouvelle en présence d’un de ses amis également prisonnier, Domenico Malagutti, qu’on supposait n’être point étranger à une lettre dont on voulait connaître l’origine. Cette affaire finit par la condamnation à mort d’Ungarelli et de Malagutti. Le maréchal Radetzky commua la peine, pour le premier, en douze années de carcere duro et de travaux forcés. Le pape, qui avait été supplié d’intervenir durant le procès, répondit qu’il ne pouvait rien. Le malheureux Ungarelli fut attaché à la chaîne avec des malfaiteurs dans le bagne d’Ancône, où il resta dix-huit mois; puis il fut transporté au château de Paliano, où il est resté quatre ans. Une fois en liberté, il n’a pu obtenir la permission de reprendre ses études universitaires. On lui a donné, il est vrai, des passeports pour aller les continuer en Piémont, où il est aujourd’hui, mais en y ajoutant un ordre d’exil perpétuel. Quant au docteur Domenico Malagutti, il fut fusillé.

J’ai lu quelquefois des récits de ce genre, et j’ai toujours cru à quelque exagération. Ce dernier témoignage se présente aujourd’hui sous l’autorité d’un homme honorable, de M. Farini, qui a été ministre de Pie IX et du roi Victor-Emmanuel, et qui rapporte les faits en les confirmant dans une lettre sur la question italienne qu’il adresse à lord John Russell. Est-ce là réellement une conséquence nécessaire du droit public européen? Lorsque les hommes d’état de l’Angleterre placent avant tout la question italienne au centre de la péninsule, ne voient-ils pas que le pape n’est pas seul à Bo-