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personnellement par cette effervescence, d’ailleurs assez restreinte et heureusement éphémère dans la paisible Toscane. Soit qu’il cédât à des scrupules éveillés dans son esprit par une lettre du pape, ainsi qu’il l’a dit, soit plutôt qu’il écoutât l’Autriche, le grand-duc ne crut pas moins devoir suivre les indications du maréchal Radetzky en quittant furtivement la Toscane, et il se réfugiait à Gaëte, devenu momentanément le lieu de retraite des royautés italiennes errantes.

Qu’arrivait-il alors? Un de ces démagogues de Sardaigne dont parlait Radetzky, Gioberti, premier ministre de Charles-Albert, eut en ce moment une idée qui pouvait changer la face des choses en Italie et créer une situation toute nouvelle : il voulait que le Piémont, au lieu de rouvrir immédiatement les hostilités contre l’Autriche, prît hardiment la direction des affaires de la péninsule et allât rétablir le grand-duc à Florence, le souverain pontife à Rome, afin de sauver au moins le régime constitutionnel et d’enlever tout prétexte aux interventions autrichiennes. Gioberti fut peu compris, le parti de la guerre immédiate et directe contre l’Autriche l’emporta à Turin, et Novare vint marquer l’heure de la déroute définitive des mouvemens italiens. La révolution, qui n’avait jamais été bien profonde à Florence particulièrement, ne tardait pas à s’épuiser d’elle-même comme un feu sans aliment. Guerrazzi était plus embarrassé que fier de sa dictature. Deux mois n’étaient point écoulés que le parti libéral modéré, secondé par les populations, prenait l’initiative d’un acte aussi prévoyant que sensé en renversant le gouvernement provisoire formé depuis le 8 février et en rétablissant le grand-duc. Une députation se rendait à Gaëte pour annoncer au prince cette révolution heureuse, et le grand-duc à son tour envoyait à Florence un commissaire, le comte Serristori, pour gouverner à sa place jusqu’à sa rentrée. La restauration s’était accomplie spontanément, par un libre mouvement de la population, par l’accord de tous pour le rétablissement du régime constitutionnel, que le grand-duc lui-même promettait d’ailleurs de maintenir tel que l’avait institué le statut de 1848. C’était un acte de sagesse populaire qui démontrait la force pratique des idées modérées et la possibilité d’un régime sensé de libertés régulières.

Dès lors, penserez-vous, rien ne motivait une intervention étrangère; c’était justement l’heure au contraire où l’armée autrichienne faisait son entrée en Toscane. Qui l’avait appelée? Nul ne l’a jamais su et nul ne le sait encore, disent les auteurs de Toscona ed Austria. Le commissaire du grand-duc à Florence désavouait au premier moment toute participation à cette entrée d’une troupe étrangère, et les ministres donnaient leur démission. Le général d’Aspre,