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plutôt la guerre au roi de Naples. Je n’oserais affirmer que si le cabinet de Vienne a été depuis plus patient avec le Piémont, cela tienne absolument à un changement d’idées sur la valeur et l’opportunité du régime représentatif au-delà des Alpes.

On dirait par instans que ces impossibilités éclatent aujourd’hui pour la première fois. Ce serait une erreur singulière de le croire. Il y avait vers 1821 à Saint-Pétersbourg un diplomate piémontais, le comte Cotti de Brusasco, qui occupait la place où avait été longtemps Joseph de Maistre, qui avait moins de génie sans avoir moins de prévoyance, et qui écrivait de loin : « L’Autriche maintiendra en Italie le système qu’elle a mis en pratique, et je suis persuadé qu’elle ne pense pas à le changer. Dans ce système, elle cherchera à étouffer toute force vitale dans les populations, à détruire tout ce qui pourrait réveiller l’esprit d’indépendance et à réduire ces populations à un état d’entière nullité morale, pour pouvoir les dominer plus facilement. Le gouvernement autrichien s’applique à cette œuvre, et il s’y appliquera avec constance. Les institutions des provinces lombardo-vénitiennes n’auront jamais pour objet de développer les facultés morales de la nation... Mais en outre l’Autriche a un grand intérêt en Italie, c’est d’empêcher les autres états italiens d’acquérir cette force morale qu’elle ne peut acquérir dans le royaume lombardo-vénitien ; cet intérêt est évident. Le développement d’une force morale dans les autres pays impliquerait une diminution de la force relative de l’Autriche à cause de l’influence que les institutions introduites dans quelques états pourraient exercer dans les provinces qui lui appartiennent... » Je ferai remarquer que ce n’est point M. de Cavour qui parle ainsi, et que le premier ministre du roi Victor-Emmanuel est dès lors un moins grand novateur que ne le dit M. de Buol dans une de ses récentes dépêches, tout comme M. de Buol lui-même ne fait qu’exprimer la pensée de M. de Metternich au sujet de l’impossibilité des institutions libérales en Italie.

L’Autriche sans doute n’a point réussi en tout dans sa politique au-delà des Alpes depuis 1815; elle a été obligée quelquefois de temporiser, de louvoyer, d’user de diplomatie avec les choses et avec les hommes : elle n’a pas moins persisté, poursuivant son œuvre sans bruit, avec une ténacité patiente, et si elle ne parvenait pas au premier moment à former cette ligue italienne qui eût été un supplément un peu trop imprévu et trop ostensible aux transactions de 1815, elle marchait au même but par tout ce qui peut attester la prépondérance d’un grand état, par des alliances partielles, par ces traités livrés depuis trois mois aux discussions et aux commentaires de l’Europe. Ces traités, auxquels, il est vrai, on n’a songé qu’aujourd’hui, sont de tous les temps; ils vont du lendemain du con-