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résista, appuyé surtout par l’empereur Alexandre de Russie, et le projet de ligue autrichienne échoua. « Il est clair, écrivait de Maistre dans une de ces lettres qui n’ont reçu jusqu’ici qu’un demi-jour et qui seront publiées, il est clair que l’Autriche veut tout prendre en Italie pour elle ou pour ses princes, et il est juste que le roi défende ses droits de prince italien; il ne pourrait accepter la ligue italienne sans s’exposer à un grave danger. Les distinctions de l’Autriche ne sont qu’un leurre; celui qui s’étend sur ses terres de Milan aux frontières de Russie, quelle liberté laisserait-il à une diète italienne?... L’Italie disparaît; tous les princes italiens ne seront que les vassaux de l’Autriche, et bientôt ils n’existeront plus. Le roi de Sardaigne est menacé le premier, et c’est bien naturel, puisque depuis longtemps le dessein d’assujettir toute la péninsule n’a pas d’ennemi plus constant et plus puissant que lui en Italie. »

On voit ici, ce me semble, l’origine et les élémens essentiels de cette situation, la marche de la politique autrichienne et la résistance qu’elle allait rencontrer, résistance qui ne pouvait que s’accroître de toute la force du sentiment national grandissant. Cette politique de l’Autriche procède sans cesse d’une double pensée dans cette période semi-séculaire qui arrive jusqu’à nous; elle consiste toujours à créer un système de défense général dont l’Autriche ait la clé, et qui soit principalement le boulevard des possessions impériales au-delà des Alpes, et elle tend du même coup à identifier la marche intérieure de tous les états italiens avec le seul système possible dans les états de l’empereur. Ce qui peut être un danger à Milan est interdit partout. « Le système représentatif avec ses institutions, qui en sont le complément nécessaire, ne peut, ne doit s’établir dans aucun état de la péninsule, » dit avec hauteur M. de Metternich dans une dépêche adressée en 1822 au baron de Vincent. Et qu’on observe bien qu’il ne s’agit pas seulement de tentatives révolutionnaires et subversives; il y a bien plus de péril encore dans tout ce qui est modéré, dans ces réformes séduisantes, « plus abusives que les abus. » C’est l’ancien chancelier de cour et d’état qui livrait lui-même son secret sans trop de naïveté à l’époque de la révolution de Naples, quand il disait au marquis de Saint-Marsan, ministre du roi de Sardaigne : « Il faut éviter que le parlement napolitain se ravise, et que, faisant semblant de se soumettre, il proclame une constitution à la française, comme celle dont le roi, avant son départ, avait suggéré l’idée sous l’inspiration de la France. » Le comte Capodistrias demandait un jour à M. de Metternich si l’empereur d’Autriche souffrirait à Naples un système qui se rapprocherait du système représentatif, et qui serait accepté par le roi lui-même; le chancelier répondait aussitôt que l’empereur ferait