à dater du congrès de Vienne. Qu’on examine un instant. Autrefois l’Autriche était au-delà des Alpes dans des conditions telles que sa domination n’empêchait point un certain équilibre de forces; elle ne possédait qu’un territoire relativement restreint, le duché de Milan, augmenté, au siècle dernier, du duché de Mantoue, et elle ne comptait qu’un peu plus d’un million de sujets. Ses possessions italiennes étaient détachées et séparées du centre de l’empire. Entre les états héréditaires et le duché de Milan, il y avait Venise et ses provinces. L’Autriche n’avait en Italie que de faibles garnisons, guère plus de dix mille hommes, de mauvaises lignes de défense, une forteresse unique, Mantoue, — et l’éloignement ajouté à la difficulté des communications ne lui permettait pas de jeter en quelques jours au-delà des Alpes des armées formidables, comme on le voit aujourd’hui. En un mot, c’était une domination qui pouvait froisser le sentiment italien, mais qui n’avait rien de trop lourd, et qui n’absorbait pas toutes les autres souverainetés. Les traités de 1814 et de 1815 faisaient à l’Autriche une bien autre position au-delà des Alpes en lui donnant tout un royaume composé de près de six millions d’hommes, la Lombardie et la Vénétie, la partie du Ferrarais qui est sur la rive gauche du Pô, les bords de l’Adriatique, la Dalmatie et l’Istrie, les principaux fleuves qui assuraient ses lignes de défense, des citadelles qu’elle a perfectionnées et agrandies, en lui livrant surtout les principales communications avec l’Allemagne et le Tyrol, par Venise, par la principauté de Brixen et le pays de Trente, par la Valteline, Bormio, Chiavenna, de telle sorte que l’Autriche pouvait désormais peser incessamment sur l’Italie de tout le poids de l’empire.
Chose extraordinaire, et qu’on n’a jamais remarquée assez : on venait de faire une guerre pour détruire un droit public fondé par l’épée, pour abolir des traités dictés uniquement par la force. Le sentiment national de l’Allemagne s’était révolté, et il n’avait pas tort, de la présence de la France à Hambourg et à Brème, et depuis 1815 l’Autriche n’est point cependant à un autre titre à Venise et à Vérone. On détruisait, dis-je, le droit public de Napoléon, et de tous ces traités de Campo-Formio, de Lunéville, de Presbourg, l’Autriche se servait encore avec habileté pour retenir les cessions partielles qui lui avaient été faites successivement. C’est Voltaire, je crois, qui dit que l’Autriche ne renonce jamais entièrement à une propriété, et qu’elle marque d’un caractère ineffaçable toute possession qu’elle garde seulement pendant vingt-quatre heures. L’Autriche agissait ainsi, et avec tous ces fragmens de traités qui lui rappelaient des défaites en lui cédant, fut-ce momentanément, quelque lambeau de territoire, elle finissait par se refaire une puissance nouvelle bien autrement con-