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accomplies depuis quarante ans, par la marche des idées et des intérêts nouveaux, par la désorganisation croissante des alliances; elle a traversé toutes les complications contemporaines pour reparaître à la fin avec son double caractère italien et européen. Or cette question, où en est-elle aujourd’hui, après trois mois de débats? D’où vient-elle et où va-t-elle? En d’autres termes, où est le point de départ et où sont les élémens d’une solution? C’est bien là, je pense, la difficulté. Il serait puéril de prétendre trancher de tels problèmes par des déclamations vagues et même sous l’inspiration unique d’un sentiment de nationalité légitime; mais enfin de quelque façon qu’on envisage les choses, lorsqu’on élève cette question des mauvais gouvernemens de l’Italie centrale, lorsqu’on est forcé de reconnaître que l’indépendance de quelques états, bien que consacrée par les traités, n’est cependant qu’une fiction, lorsqu’on remue en un mot toutes ces impossibilités et ces contradictions qui composent l’existence de ces malheureuses contrées, on ne peut éviter de se trouver en face de l’influence maîtresse et dominatrice de l’Italie, de l’influence autrichienne, à l’abri de laquelle vivent ces mauvais gouvernemens et ces souverainetés nominales et inertes. C’est ainsi qu’on est conduit à la racine du problème. Tout est là, tout dérive de cette constitution générale, qui crée un ordre de choses où le progrès de l’Italie est possible seulement dans la mesure de ce qui ne peut effaroucher la puissance autrichienne, où l’indépendance n’est qu’un nom, à moins qu’elle ne soit une lutte ouverte et permanente, comme il arrive en Piémont. Soumission à l’Autriche et solidarité avec elle, ce qui équivaut à l’abdication de tout sentiment de nationalité, ou résistance toujours prête à dégénérer en conflit dans les conditions les plus inégales, telle est la situation que le droit public n’a point prévue, et qu’il ne sanctionne pas absolument sans doute, mais dont le principe n’est pas moins, il faut le dire, dans l’organisation issue du congrès de Vienne.

Quelle est effectivement la situation de l’Autriche et de l’Italie telle que l’ont faite les traités de 1815? Je n’ignore pas que, pour évincer en quelque sorte toutes les espérances des Italiens et pour tenir l’Europe en garde contre les illusions, il est d’usage de dire que les impériaux sont depuis huit cents ans à Milan, que la domination étrangère est une tradition, que ce qui existe a toute la force de la prescription. Je ferai seulement observer que les temps sont changés, que le sentiment des peuples a pris quelque place dans la politique, et de plus, sans revenir sur le caractère d’un droit écrit qui est évident, pour ne parler que d’un fait, il est certain que la domination autrichienne en Italie depuis 1815 n’est plus la domination des temps impériaux. C’est un ordre nouveau qui commence