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Ce qu’on n’obtiendrait pas de l’organisation municipale de la ville, l’obtiendrait-on du moins de l’organisation d’une police encore plus vigilante et plus ferme? On peut en douter. Assurément Paris est en mesure de se défendre, la dispersion sur différens points de son territoire d’importans corps d’armée, les voies stratégiques qui le sillonnent déjà et peuvent s’étendre encore, la vaste ceinture qui le protège, sont de nature à satisfaire ceux-là mêmes qui se laissent aller aux plus folles appréhensions; mais les occasions de grands déploiemens de force sont heureusement fort rares, tandis que l’action de la police est de tous les jours et de tous les momens. Cette action, elle s’exerce d’une manière très complète et très satisfaisante dans les plus grandes villes de l’Angleterre à l’aide d’un petit nombre d’agens : la police de Liverpool ne se compose que de six cents hommes. Et d’où vient la force morale qu’ils possèdent, le sentiment de crainte mêlé de respect qu’ils inspirent à la population? De la source même où ils puisent les pouvoirs dont ils sont investis, de l’autorité municipale qu’ils représentent, et dont ils ne sont que les délégués.

Dieu nous garde de la prétention de vouloir tracer ici un programme, et de jeter les bases d’un projet d’organisation municipale; nous apportons très humblement dans ce grand débat notre faible tribut d’observations et d’études, rien de plus. Du moins nous est-il permis de demander sous l’empire de quel régime administratif serait placée la nouvelle commune. Sous le régime actuel? Où donc est la loi qui le détermine et le règle? Là est sans contredit une des questions les plus graves que l’annexion puisse faire surgir. Il n’est pas un habitant de Paris qui n’ait eu mille fois à souffrir dans ses intérêts d’administré de l’incohérence des règlemens, des édits, des ordonnances de tous les temps qui constituent l’incertaine législation de la capitale, et où l’esprit le plus exercé s’égare. S’agit-il de la grande ou de la petite voirie? tel objet appartient-il à l’une ou à l’autre de ces branches du service municipal? est-ce à la préfecture de police ou à la préfecture de la Seine qu’il faut porter ses réclamations? Ce sont là des questions sans cesse renaissantes, et que nul n’est à même de résoudre. Et puis quel amalgame d’attributions et de pouvoirs! N’est-il point étrange, par exemple, de voir le préfet de la Seine représentant la ville de Paris intenter un procès au préfet de la Seine représentant l’état, et après avoir saisi lui-même la justice du litige, la dessaisir par un conflit élevé au nom du département? Cette législation confuse et bizarre, voilà ce qui remplacerait, pour les onze communes annexées, la loi claire, méthodique et simple du 18 juillet 1837, qui les gouverne actuellement! Voilà quel serait le régime d’une population de 1,500,000 habitans!